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Archéologie du bâti à Eschau (Bas-Rhin) sur l’une des plus anciennes églises alsaciennes
À Eschau, une étude archéologique du bâti de l'église abbatiale Saint-Trophime est actuellement menée par l'Inrap. Cette étude va permettre de détecter les différentes phases d’évolution d'un bâtiment dont les origines remontent au VIIIe siècle. Reconstruit autour de l'an Mil, il offre un rare reflet de l'architecture et des techniques de construction du premier âge roman alsacien, malgré ses remaniements ultérieurs.
L’église abbatiale Saint-Trophime à Eschau, dans les environs de Strasbourg, compte parmi les plus anciens édifices religieux encore conservés en Alsace. Attestée dès 778, cette église est reconstruite à la fin du Xe siècle et bénéficie aujourd'hui d'un programme de rénovation porté par la Commune d'Eschau avec le soutien notamment de la Fondation du Patrimoine. Dans le cadre de ces travaux et sur prescription de l’Etat, une intervention archéologique sur les façades extérieures et les toitures de l’édifice, est réalisée par une équipe de l’Inrap.
Cette opération qui vise à retracer l’histoire architecturale de l’édifice durera une trentaine de jours au total. Elle se déroulera en trois phases, en décembre 2020, au printemps et durant l’été 2021, suivant l’avancement des travaux.
Une église caractéristique du premier âge roman alsacien
L’église Saint-Trophime d’Eschau fait partie des rares édifices religieux alsaciens du premier Moyen Âge dont les modalités de fondations sont connues. Érigée dans les années 770 à l’initiative de l’évêque de Strasbourg Rémi, elle accueillait les reliques de Sainte-Sophie et de ses filles. Abbaye de moniales bénédictines, elle est détruite au début du Xe siècle et fait l’objet d’une reconstruction aux environs de l’an Mil. L’église telle qu’elle se présente de nos jours résulte en grande partie de cette campagne de travaux : il s’agit en effet d’un édifice de plan basilical (nef, transept et bas-côtés), aux formes caractéristiques de l’architecture du premier âge roman alsacien.
Vue de l’église abbatiale pendant la première phase des travaux.
© B. Dottori, Inrap
L'archéologie du bâti, une expertise au service de la connaissance patrimoniale et de la rénovation
L’intervention archéologique en cours à Eschau suit la méthodologie propre aux études de bâti. Le décrépissage de l’édifice et la présence d’un échafaudage permettent d’accéder au plus près des maçonneries et d’en comprendre les agencements. Grâce à la photogrammétrie, une méthode d’enregistrement numérique, un relevé photographique redressé de l’ensemble des façades mises à nu peut être réalisé. Ces relevés servent ensuite de base graphique sur lesquelles sont replacées les observations et les descriptions minutieuses réalisées sur les maçonneries.
Ces observations visent à détecter les différentes phases d’évolution du bâtiment et, au sein de chacune de ces phases, d’en décrire les caractéristiques constructives (types de matériaux employés, modes de mise en œuvre…) et stylistiques. La datation de ces différentes phases résulte du croisement entre ces caractéristiques, les données historiques et les éventuelles analyses complémentaires comme la dendrochronologie par exemple.
Une étude dendrochronologique sur l’abbatiale d’Eschau
La dendrochronologie est une spécialité qui permet de dater précisément les bois de construction grâce à l’étude de leurs cernes. Les archéologues de l’Inrap font appel à cette technique dans le cadre de l’intervention sur l’Abbatiale d’Eschau. En effet le décrépissage des maçonneries a révélé la présence d’éléments en bois ancrés dans les murs : des boulins, correspondants aux reliquats des échafaudages ayant servi à la construction de l’édifice, mais également les châssis de deux fenêtres. Les prélèvements dendrochronologiques réalisés sur ces éléments devraient ainsi permettre de dater avec précision les phases incluant ces bois.
Boulin conservé dans la maçonnerie.
© B. Dottori, Inrap
Fenêtre gothique avec châssis en bois
© B. Dottori, Inrap
Fin de journée sur l’échafaudage
© B. Dottori, Inrap
Cinq phases de construction de l’édifice
L’étude archéologique en cours a d’ores et déjà permis d’identifier au moins cinq phases principales dans l’évolution de l’édifice et notamment d’appréhender la phase de construction attribuable à l’an Mil. Celle-ci se caractérise par une maçonnerie réalisée en petit moellons de matériaux hétérogènes (calcaire, grès, basalte…) qui réemploie ponctuellement des terres cuites architecturales d’époque gallo-romaine. Les chaînages d’angle sont réalisés avec des blocs de grès rose taillés, finement décorés ; ils sont caractéristiques du début du XIe siècle. Plusieurs fenêtres régulièrement disposées et ultérieurement murées ont également été identifiées. Les relevés photogrammétriques permettront de proposer une restitution de l’état d’origine des façades et de la distribution des ouvertures.
Chaînage d’angle nord-ouest du bas-côté : blocs taillés avec finition décorative à la broche et appareillage de l’an Mil.
© B. Dottori, Inrap
Deux importantes phases de remaniement du bâtiment sont attribuables au XIIe siècle et à l’époque gothique (reconstruction de la façade ouest de la nef aux XIIIe-XIVe siècles). Des modifications plus ponctuelles ont également eu lieu à l’époque moderne (XVIe- XVIIIe siècles).
En 2021, la poursuite de l’étude concernera le chœur, les deux bras du transept et les bas-côtés de l’Abbatiale et permettra de finaliser cette étude d’archéologie du bâti.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Boris Dottori, Inrap