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Avenue Jean-Jaurès
Ce diagnostic archéologique est localisé au coeur de la ville de Nîmes actuelle, et son emprise occupe l'allée centrale de l'avenue Jean-Jaurès, entre le parking existant, Jules-Guesde, au nord, et la place Séverine, au sud.
La superficie concernée par le projet est un rectangle de 15 m de large sur 600 m de long, soit 9 000 m2. Le projet se situe immédiatement au sud de l'enceinte protohistorique et recoupe une partie de la ville antique intra-muros, l'enceinte augustéenne et sa proche campagne. Dix tranchées ont été réalisées : toutes ont livré des vestiges archéologiques. La superficie cumulée de l'emprise des tranchées représente en surface 1 136 m2, soit 12,6 % du projet. Cependant, compte tenu des diverses banquettes de sécurité et autres accès aux tranchées, la superficie en fond de tranchée n'atteint que 493 m2, soit 5,5 % du projet.
Le terrain naturel a été atteint dans chaque tranchée, à des profondeurs variant de 1,80 m à 3,50 m. Il s'agit d'un limon de teinte brun rouille souvent mélangé à des cailloux calcaires anguleux (complexe caillouteux de piémont). La mise en séquence des différentes coupes montre un pendage général du terrain naturel du nord vers le sud, de l'ordre de 1 %. Plusieurs dépressions ont été remarquées, ce qui permet d'évoquer une morphologie originelle ondulée qui a pu être accentuée lors des premières occupations (décaissements, création de terrasses). Une anomalie importante est notable dans la partie sud du diagnostic, au-delà du rempart augustéen où une dépression profonde (5,60 m), sécante par rapport à l'axe du projet, correspond sans doute au passage d'un paléo-cours d'eau (ancien « cadereau »), comblé à partir du Ier s. apr. J.?C. (dépotoir). La plus ancienne occupation repérée date de la fin de la Protohistoire (Ve?IIIe s. av. J.?C.) et se caractérise par des fosses de plantation, témoins probables d'une culture précoce de la vigne, qui prend donc place dans un secteur extra-muros.
Aux IIe et Ier s. av. J.?C., une véritable structuration de l'espace extra-muros se met en place, qui sera le morphogène d'une grande partie du réseau viaire antique. Les premiers niveaux de trois voies ont été datés de cette période républicaine. Entre ces axes de circulation, la présence d'un mur, d'une fosse cendreuse et d'un possible niveau de sol surmontant un remblai assez riche en mobilier évoque une zone habitée au-delà de l'enceinte. La permanence de zones de culture est probable. Les vestiges du Haut-Empire ont été reconnus sur tout le tracé du diagnostic et il est possible de dresser une organisation spatiale schématique.
Dans la partie intra-muros, le diagnostic a mis en évidence l'existence de quatre voies (hors voie périphérique) qui organisent l'espace urbain. Ces voies sont régulièrement rechargées et entretenues pendant les deux à trois premiers siècles de notre ère. L'une d'elles est un possible diverticule de la voie Domitienne. Cette partie nord paraît plutôt dévolue à une zone résidentielle. Malgré une récupération des murs, par endroits assez systématique, le plan de l'habitat est lisible et montre au gré des tranchées des orientations variables laissant deviner des îlots différents. Le soin apporté à l'habitat est notable : sols en terrazzo, avec des incrustations de pierres de couleur. Certains vestiges (bassin, fontaine ?, support de pilier, espace ouvert important) laissent supposer l'existence d'une vaste demeure.
Plus au sud, la zone proche de l'enceinte a fourni une densité plus faible de vestiges (murs) et un soin moindre apporté aux sols, donnant l'impression d'espaces plus ouverts, sans doute voués à d'autres destinations, peut-être artisanales. La présence d'un four de potier en bordure de la voie périphérique intérieure, et qui fait écho à des trouvailles similaires très proches (îlot Thérond), va dans ce sens. Cependant, l'image est plus complexe, car la fouille de quelques zones a révélé des histoires variables. Certaines zones d'habitat tendent à maintenir plus ou moins le même schéma d'organisation, alors que d'autres ont livré des vestiges de nature différente au gré des deux ou trois siècles d'occupation. Ainsi, un sondage a révélé une première occupation (à cet endroit, le début du Ier s. apr. J.?C.) se traduisant par deux murs associés à un niveau de sol marqué par un miroir et une phalère en bronze. Deux dépôts votifs ont été faits dans chaque angle des murs, associant une clochette et deux monnaies et deux petits gobelets en céramique. La richesse des trouvailles au sein d'un espace très réduit ne facilite pas la caractérisation du lieu (espace domestique, à vocation rituelle ?). En revanche, l'occupation postérieure (Ier?IIe s. apr. J.?C.) opère une rupture avec des lambeaux d'architecture en pierres liées à la terre qui conforte l'idée d'un espace sans doute à vocation artisanale et semi-couvert, tel un appentis.
La zone extra-muros, au-delà de la voie périphérique externe, se caractérise par la présence d'un paléo-cours d'eau, qui, durant le Haut-Empire, a été comblé partiellement en devenant un imposant dépotoir. Au-delà, vers le sud, il est probable que l'espace soit réservé aux champs, bien qu'il soit assez difficile d'attester avec certitude la présence de traces de plantation antiques. Le substrat est percé de plusieurs fosses, mais la séquence indifférenciée de 0,70 m surmontant le terrain naturel est riche de tessons antiques, médiévaux et modernes. Un tronçon de courtine de l'enceinte augustéenne a été observé. Celle-ci est longée, côté ville, par une voie intérieure dont elle est séparée par un égout. La façade méridionale d'un atelier de potier borde cette chaussée au nord. Au sud de la courtine, à une dizaine de mètres, une voie périphérique externe a été observée. Un vaste dépotoir, comprenant de nombreux bris d'amphores, s'étend progressivement au contact de la voie, jusqu'à y déborder, entraînant sans doute un déplacement de son tracé vers le sud.
La présence récurrente de « claire D » dans les couches supérieures permet d'évoquer un abandon général de la zone au cours du IIIe s. apr. J.?C. En un point, l'occupation paraît durer ou reprendre plus tardivement (mur et mobilier du IVe?Ve s. apr. J.?C.). D'une manière générale, il y a une assez grande variabilité dans les profondeurs d'enfouissement des vestiges antiques, entre 1 m et 3,30 m. L'épaisseur de la séquence antique oscille de 0,70 m à 1,50 m. On notera par endroits une bonne conservation des vestiges (par exemple, un mur en adobe sur solin de pierres conservé sur 0,80 m de hauteur). Les vestiges médiévaux sont rarissimes, se limitant à la présence de plusieurs traces de plantation. La période moderne se caractérise par la création progressive, durant le XVIIIe s., du Cours Neuf installé sur d'imposants remblais, et dont l'actuelle avenue Jean-Jaurès reprend le tracé. Le diagnostic a aussi mis au jour un important dépotoir de la première moitié du XIXe s. et une série d'abris antiaériens construits par la Défense passive en 1943.