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De nouvelles données sur l'occupation du plateau de Croixrault (Somme)
À Croixrault, l'Inrap a mené une fouille sur un vaste plateau entre 2020 et 2021 qui a révélé une occupation permanente du site entre l'âge du Bronze et le Moyen Âge. Les recherches portent particulièrement sur un village médiéval et son cimetière mais l’intérêt de cette fouille réside aussi dans la compréhension de l’évolution morphologique des exploitations agricoles depuis l’époque gauloise.
Les archéologues de l’Inrap mènent une fouille à Croixrault sur prescription de l’Etat (Drac Hauts-de-France). L’opération en cours 2020-2021 se déroule sur une emprise de 22 ha. Réalisées dans le cadre de l’aménagement de la ZAC de la Mine d’or, les recherches portent particulièrement sur un village médiéval et son cimetière mais l’intérêt de cette fouille réside aussi dans la compréhension de l’évolution morphologique des exploitations agricoles depuis l’époque gauloise.
Monument funéraire de l’Âge du Bronze
Un « cercle » funéraire de l’âge du Bronze a été fouillé au nord du site. Il comprend une sépulture à incinération en son centre et au moins deux autres crémations à l’extérieur. Son diamètre externe est de 9,30 m et le fossé est large de 85 cm.
Enclos funéraire, ferme et parcellaire gaulois
Les vestiges protohistoriques sont principalement liés à la période Laténienne avec des fossés parcellaires parallèles suivant un axe nord-ouest/sud-est et répartis sur toute l'emprise. Le phasage et le recollement avec les autres opérations du plateau seront menés ultérieurement.
En 2020, les archéologues ont fouillé un enclos funéraire, voisin d’un ensemble plus grand, fouillé en 2019.
En 2021, c’est un enclos quadrangulaire dédié à l’habitat qui est en cours de fouille. Il couvre une surface de 5 300 m² et comprend plusieurs bâtiments disposés le long de son pourtour interne. L’espace central paraît dégagé de vestiges en creux. L’enclos s’insère dans la trame parcellaire précédemment observée.
La Villa antique
Toute la période antique est couverte depuis le Ier siècle avant notre ère jusqu’aux IVe-Ve siècles. Dans cet intervalle plusieurs phases se succèdent avec des mutations de l’exploitation agricole tant dans sa morphologie que dans ses usages. Ce qui apparaît le plus nettement pour l’heure, ce sont les phases en « Villa » où une division en Pars Urbana/Pars Rustica s’observe avec un bâtiment principal disposé à l’ouest. Ce dernier construit sur solin et poteaux comprend une vaste cave maçonnée dont les remblais ont livré des fragments d’enduits peints. La cour s’ouvre sur un plus vaste espace de plan trapézoïdal délimité par des bâtiments rectangulaires à fondations de craie et/ou silex. Des bâtiments sur poteaux complètent l’exploitation avec de nombreuses structures d’activités (fours, foyers, celliers, fosses, etc.).
Deux ensembles funéraires distincts ont été mis au jour, l’un en bordure de chemin et l’autre plus éloigné et potentiellement dans un enclos. Ce dernier contient des offrandes plus « riches » que le premier (contenant en alliage cuivreux, miroir ?, large plat).
Vue de la cave antique en cours de fouille
© Pascal Raymond, Inrap
Vue d’un des bâtiments antiques sur solin
© Pascal Raymond, Inrap
Le village altomédiéval
L’emprise de l’aménagement offre l’opportunité de découvrir le plan du village du haut Moyen Âge dans son intégralité ou presque, soit 12 ha environ. L’occupation semble perdurer sans hiatus avec la période gallo-romaine, toutefois la phase VIIIe-XIe siècles paraît prépondérante. C’est par ailleurs durant cet intervalle que le cimetière est installé au sein d’un enclos quadrangulaire. Un chemin passe à côté de ce dernier et traverse tout le village. De nombreux vestiges semblent s’ordonner par rapport à cet axe. Un deuxième axe de circulation parallèle semble se dessiner plus à l’ouest. Il reprend la limite orientale de l’enclos gaulois.
Des quartiers commencent à se dessiner et il conviendra, avec les résultats de la fouille et des études, de caractériser ces différents espaces.
Le bâti sur poteaux de bois plantés est la norme. Quelques petits bâtiments se distinguent très clairement dans les zones lâches. En revanche, plusieurs secteurs à forte densité de poteaux s’illustrent par des plans de grandes dimensions à une ou deux nefs.
Une vaste mare s’étend dans la zone sud. Le fond est aménagé de galets de silex et ses comblements ont livré de nombreux petits poids en plomb. Son pourtour est constellé de fours à pain. Ces derniers s’observent également un peu partout dans le village autour de fosses de travail. Un four à sel a été découvert dans le secteur à majorité médiéval, sa datation sera confirmée par une expertise archéomagnétique.
Le travail du métal est particulièrement représenté au sud-est avec de nombreux foyers et rejets. La prospection de susceptibilité magnétique appuie ce constat.
Les silos de stockage sont pour l'heure peu nombreux au regard de la surface du village.
Vue d’un secteur de bâtiments médiévaux
© Pascal Raymond, Inrap
Vue de la mare en cours de fouille
© Maxence Toubin, Inrap
Un cimetière carolingien
La zone du cimetière a été décapée dans son intégralité. Les tombes sont circonscrites dans un enclos quadrangulaire de 2 400 m² ponctué de plusieurs entrées. 481 sépultures ont été exhumées et sous réserve des datation C14 qui seront réalisées, la fréquentation du cimetière semble réduite aux VIIIe-XIe siècles.
Les fosses ne témoignent que de très rares recoupements. Si le sommet de certaines d’entre elles se superposent, aucune sépulture ne perturbe une précédente. Il n’y pas non plus de cas de réduction, ce qui est rare pour la période. Les ossements sont fragiles du fait du substrat argileux. Mais ce contexte a néanmoins permis de conserver de nombreuses traces ligneuses, témoignages des planches fermant les fosses sépulcrales. Les creusements de niches céphaliques sont nombreux de même que les aménagements de pierres.
Le pourcentage de sépultures d’enfants et immatures biologiques est d’environ 40%. Le potentiel de l’analyse spatiale est d’autant plus intéressant que le cimetière est complet et que les hypothèses pourront être confrontées aux données de l’habitat.
Sépulture d'un adulte
© Estelle Pinard, Inrap
Sépulture d'un adulte
© Estelle Pinard, Inrap
Sépulture d'un adulte
© Estelle Pinard, Inrap
Recherches archéologiques : Inrap
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie, Drac Hauts-de-France
Responsable scientifique : Gaëlle Bruley-Chabot, Inrap