Dans le cadre d'un projet de construction de logements sociaux à Verdun, « Impasse Couguay », par l'Office Public de l'Habitat de la Meuse, une fouille archéologique a été réalisée de septembre à mi-novembre 2013 sur une surface d'environ 500 m2.

Dernière modification
30 septembre 2016

Cette opération a révélé la présence d'une concentration d'ateliers de dinandiers dont l'activité apparaît ininterrompue entre le XIIIe et le XVe siècle. La fouille a également permis de mettre au jour les vestiges de la première enceinte fortifiée de la ville basse de Verdun. 

Une position privilégiée

Verdun se trouve au carrefour d'un axe fluvial nord-sud, la Meuse, et d'une voie qui relie Metz à Reims et dessert au-delà Trèves et Strasbourg. La fouille se situe dans le quartier de la ville basse, sur la rive droite du bras principal du fleuve. Au Xe siècle, Richer de Reims y mentionne l'existence d'un bourg fortifié avec un marché entre deux bras de la Meuse. Ce marché se trouvait vraisemblablement à l'emplacement de l'actuelle Place Galland, soit à quelques dizaines de mètres au sud de la fouille. A quelques pas au nord du site se trouvait une église consacrée à Saint-Lambert, patron du diocèse de Liège. Le quartier a subi un important incendie en 1217 qui détruisit l'église. Suite à cet événement, le terrain a été donné en 1222 par l'évêque Jean d'Apremont à des moines franciscains pour y bâtir une nouvelle église et un couvent sous le vocable des Cordeliers.
Une position privilégiée

Des ateliers de dinandiers

Ces artisans étaient installés intra muros, à proximité immédiate d'une des grandes places de marché médiévale verdunoises, place dédiée au commerce au moins depuis la période carolingienne. Les ateliers bordaient un des bras canalisés de Meuse, composante d'un vaste réseau hydrographique aménagé dans la plaine alluviale du fleuve. Ils étaient adossés à l'une des premières enceintes fortifiées de la ville qui délimitait ce que l'on a coutume d'appeler « le bourg des marchands ». Ces ateliers occupaient au moins dans un premier temps, de longues parcelles laniérées évoquant un lotissement industriel. L'activité semble avoir perduré sur une période d'au moins trois siècles. Les premiers éléments observés ont pu être datés par dendrochronologie de l'extrême fin du XIIe et du XIIIe siècle. La fouille a permis d'observer quatre fours de fusion, plusieurs foyers, mais aussi d'exhumer d'abondants ensembles de déchets issus de l'activité métallurgique. Des sols en terre battue noircis et divers aménagements ont pu être mis au jour. Les datations archéomagnétiques indiquent une fin d'utilisation des fours de fusion au XVe siècle.

Le type de production

Les restes de l'activité métallurgique sont essentiellement constitués de creusets, de fragments de moules de fonderie en terre cuite, de chutes de métal en alliage à base de cuivre, ainsi que de morceaux de soles des fours de fusion. Les premiers éléments à l'issue de la fouille témoignent d'un intense travail de mise en forme des métaux tant par fonderie qu'au marteau. Plusieurs dizaines de milliers de fragments de moules permettent d'identifier une production par fonderie quasi exclusive de chaudrons tripodes. S'il est difficile à partir des seules chutes de découpes sur tôle de reconstituer la production par martelage, sans doute faut-il, là aussi, poser l'hypothèse de la fabrication de récipients tels des bassins par exemple.

Les creusets, récipients réfractaires globulaires ou tubulaires, sont de moyen et de petit format. Certains indiquent que l'on pratiquait à Verdun l'élaboration du laiton par cémentation. L'élaboration ou la fusion des alliages à base de cuivre nécessitent des structures de combustion atteignant de hautes températures. Les nombreux fragments de parois de four montrent l'utilisation récurrente de fours fonctionnant à l'aide de la ventilation naturelle.

Ces premières observations obtenues à l'issue de la fouille peuvent être comparées à celles d'autres ateliers médiévaux, et plus particulièrement aux ateliers récemment étudiés de Dinant et Bouvignes, villes situées en Belgique, plus au nord sur la Meuse. Par exemple, les techniques de moulage des chaudrons ou la morphologie des creusets montrent à la fois des points communs et des spécificités verdunoises. Ces comparaisons invitent à s'interroger sur les transferts aussi bien techniques que commerciaux entre ces villes. Si Dinant et Bouvignes posent la question d'une concurrence forte - les deux villes exportant dans toute l'Europe - il n'est pas exclu que les productions très spécialisées de Verdun soient, elles-aussi, destinées à un commerce à longue distance, et qu'elles soient envoyées par exemple vers les grandes foires de Champagne.

Aménagement : Office Public de l'Habitat de la Meuse
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie, Drac Champagne-Ardennes
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Laurent Vermard, Inrap