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Des techniques uniques au monde pour restaurer un bateau gallo-romain de quinze mètres
Le laboratoire Arc Nucléart et l’Inrap terminent le traitement du chaland antique « Lyon Saint-Georges 4 », découvert à Lyon. L’épave a été entièrement démantelée pour permettre une restauration-conservation inédite et des études archéologiques pièce par pièce.
Les fouilles préventives réalisées sur prescription de l’État par une équipe d’archéologues de l’Inrap sur le parc Saint-Georges avaient mis au jour, en 2003, 16 bateaux dont un chaland datant du deuxième siècle de notre ère, vraisemblablement utilisé pour le commerce fluvial sur le Rhône.
Propriété de la Métropole de Lyon, ce chaland est destiné au musée gallo-romain de Lyon Fourvière. Dans cette perspective, il a subi une restauration complète, conjointement pilotée par un archéologue de l’Inrap et une restauratrice d’Arc-Nucléart.
Différencier les traitements du bois et du métal
Pour la nécessité de sa conservation, le chaland a d’abord été placé dans un atelier de 200 mètres carrés dont l’atmosphère est parfaitement contrôlée en permanence en température et en humidité.
L’épave comportait de très nombreux clous métalliques, à l’origine de la formation de pyrite, un sulfure de fer qui sous l’effet de l’humidité produit de l’acide sulfurique susceptible de ronger le bois. Un traitement différencié des parties en bois et des parties métalliques a donc été entamé.
Démonter le bateau en 1 000 pièces
En 2003, les archéologues de l’Inrap avaient mis au jour 17 mètres du chaland qui devait en mesurer 28 à l’origine. Le démontage complet du bateau (près de 1 000 pièces individuelles) a été entrepris, avec au préalable un étiquetage précis de chacune de ces pièces pour en garantir le remontage. Les différents éléments constitutifs ont pu être examinés pour comprendre la mise en œuvre et l’entretien du bateau. Ainsi, des archéo-dendrochronologues ont pu identifier et dater les essences de bois composant ce chaland, tandis que des tracéologues ont étudié les traces laissées par les outils lors de sa fabrication. Ce démontage rigoureux et ces études ont permis de générer trois fois plus de données archéologiques qu’une restauration classique d’objets similaires, ce qui enrichit considérablement la connaissance historique de l‘époque.
Les parties métalliques, en particulier les 2 100 clous, ont été retirées une à une. Les clous vont être étudiés afin de déterminer la provenance du métal et leur mode de fabrication.
Imprégner les bois pour en retirer l’eau
Pour le traitement des bois, Arc-Nucléart a mis en œuvre deux techniques que ses équipes sont les seules au monde à maîtriser à cette échelle :
Après avoir été débarrassées des composés métalliques par un curetage doux, les parties en bois ont été profondément imprégnées par une résine de polyéthylène glycol (PEG). Ce traitement d’une durée d’un an permet de remplacer en partie l’eau contenue dans les fibres de bois par le PEG. Les pièces peuvent ensuite être séchées par lyophilisation sans qu’elles se déforment. Arc-Nucléart est un des rares laboratoires au monde capable de conduire une telle imprégnation, en entretenant le recyclage permanent de grandes quantités de PEG.
Durcir le bois grâce aux rayonnements ionisants
En complément du traitement précédent, une partie du bateau, très abimée, a été imprégnée d’une autre résine (styrène polyester), puis soumise à un rayonnement gamma. Sous l’effet de ces rayonnements ionisants, la résine a polymérisé, durcissant ainsi la pièce de bois. Celle-ci, alors suffisamment consolidée, a pu être à nouveau assemblée aux autres pièces du bateau. Ce procédé Nucléart est exclusivement pratiqué par Arc-Nucléart.
Après la validation de son montage par le comité scientifique de suivi du bateau, le 20 septembre 2016, l’épave restaurée sera de nouveau démontée et conservée en atmosphère contrôlée, avec son support conçu spécifiquement.
Le chaland, baptisé « Lyon Saint Georges 4 », sera par la suite transporté puis remonté, dans une salle climatisée du Musée gallo-romain de Lyon Fourvière, où il sera exposé aux visiteurs et aux chercheurs, après études complémentaires menées par l'Inrap grâce au mécénat de l'entreprise Lyon Parc Auto.