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Fouille de l’église du couvent des Jacobins à Morlaix (Finistère)
Des archéologues de I'Inrap mènent actuellement des fouilles archéologiques à l'intérieur de l'église du couvent des Jacobins et mettent au jour des vestiges de cet établissement religieux depuis sa fondation jusqu'à la Révolution Française. La première phase de la fouille a livré 230 tombes, dont celle d'un gouverneur de Morlaix, ainsi que de rares objets de dévotion.
Le sol de l’église et l’étude des sépultures (phase 1)
Le sol de la moitié ouest de l’église est bien conservé et livre de nombreux vestiges. La vocation sépulcrale de l’édifice est bien représentée avec plus de 230 tombes mises au jour. Celles-ci se divisent en deux grandes catégories : les tombes individuelles en cercueil/linceul (85% de l’effectif) et les tombes plurielles en caveau maçonné (15% de l’effectif). Le nombre de personnes inhumées dans l’édifice est bien supérieur au nombre de tombes car les caveaux renferment pour la plupart plusieurs inhumations successives. Le nombre maximal observé dans un caveau est de 17 sujets. Les caveaux sont abondants dans le collatéral nord qui est un agrandissement de l’église au XVe siècle, mais nous en retrouvons aussi au centre de la nef et au niveau de l’entrée sud/ouest.
Église en cours de fouille.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Le chœur de l’église bien que fortement perturbé par les aménagements depuis le
XVIIIe siècle livre toutefois des indices. Ainsi, un grand caveau maçonné a
été identifié et correspondrait d’après les sources écrites à la tombe d’un des
gouverneurs de Morlaix au XVIe siècle (Pierre de Boiséon). Une sépulture contient
les restes d’un défunt inhumé habillé, une mise en terre particulière car les défunts de
l’église sont strictement inhumés en linceul. Ces vêtements associés à la présence de
chaux sous le corps indiquent peut-être un traitement prophylactique de la
dépouille et un décès lié à une malade infectieuse.
Scapulaire en soie et fil d'argent déposé sous l'épaule droite du défunt.
© Élodie Cabot, Inrap
Femmes, hommes et enfants de tous les âges sont inhumés dans l’église. À l’issue
de la phase de terrain, l’analyse des ossements et leur étude exhaustive permettront
de caractériser le sexe, l’âge et la stature des défunts. Les traces infectieuses,
traumatiques ou celles spécifiques dues au vieillissement, comme aux carences
alimentaires, observées sur les restes osseux et dentaires seront discutées afin de
proposer un profil de la population inhumée. Ces données biologiques seront
rapprochées des pratiques funéraires observées et discutées afin de connaître le
statut social des défunts.
Sépulture en cours de fouille dans le collatéral.
© Emmanuelle Collado, Inrap
De rares objets retrouvés dans les sépultures
Que ce soit dans les caveaux ou bien dans les tombes en fosse (et cercueil), les
corps sont inhumés en linceul. Ceux-ci sont maintenus par des épingles en alliage cuivreux. De rares bijoux (bagues, bracelet) ont été identifiés, mais ce sont surtout des objets de dévotion religieuse qui accompagnent les défunts, comme des chapelets et des crucifix. Les grains de chapelet sont de tailles et de matières variées, bois, os, pierre ou verre sont employés pour les réaliser. Un grain particulier en forme de tête de mort a été identifié sur un des défunts, il s’agit d’une pièce rare et à ce jour inédite pour le grand-ouest. Les crucifix sont en bois, en alliage cuivreux ou encore en terre cuite. Ils sont soit portés par le défunt (main, torse) soit posés sur le cercueil. Deux scapulaires en soie et fil d’argent ont été identifiés et associés à des individus.
L’humidité du sous-sol de l’église est propice à la conservation des matières
organiques. Des éléments de bois de cercueil sont conservés, mais aussi des croix
en bois ou des lambeaux de tissu. Ces indices organiques sont prélevés et seront
analysés afin de caractériser d’une part les essences de bois utilisées, et d’autre part
les textiles composants les linceuls.
Tête de mort en os : grain de patenôtre provenant d'un chapelet.
© Elodie Cabot, Inrap
Croix en bois surmontée d'un crucifix en alliage cuivreux accompagnant le défunt.
© Élodie Cabot, Inrap
Représentation en céramique du christ en croix et médaille en alliage cuivreux.
© Emmanuelle Collado, Inrap
L’étude du bâti (phase 2)
Fondé en 1238, le couvent des Jacobins de Morlaix est l'un des plus anciens établissements religieux de la ville. Son église est consacrée en 1250, puis restaurée et agrandie après un incendie en 1344. L’étude du bâti ancien sera réalisée à partir de l’automne 2024 et visera à caractériser les techniques de construction utilisées pour le bâtiment ainsi que leur évolution au fil du temps. Elle s'efforcera de dévoiler l'organisation architecturale interne de l'église en identifiant ses éléments tels que le jubé, les enfeus, les chapelles, et d'autres éléments similaires. Cette étude qui englobera l'ensemble des murs de l'église (façades ,intérieures et extérieures), la charpente et les fondations sera menée en plusieurs étapes. L'analyse conjointe des données architecturales, biologiques et des pratiques funéraires permettra de proposer une synthèse de l’évolution de l’église au fil des siècles et de documenter l'histoire de la ville et celle de l'un des plus anciens établissements dominicains de Bretagne.
Sépultures en cours de fouille.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie (Drac Bretagne)
Recherche archéologique : Inrap
Directeur adjoint scientifique et technique : Michel Baillieu, Inrap
Responsable scientifique : Élodie Cabot, Inrap
Chargé de l’archéologie du bâti : Teddy Bethus, Inrap