A l'occasion de la construction d'un immeuble de logements sociaux et d'une place bordée d'une rue piétonne, les archéologues de l'Inrap fouillent le cimetière paroissial de La Ciotat. Cette fouille concerne 2 000 m² situés dans le centre historique de la ville, une zone archéologiquement sensible pour l'époque moderne (1492-1789).

Dernière modification
13 juillet 2016

La Ciotat n'était durant l'époque médiévale qu'une petite bourgade de pêcheurs d'à peine deux cents âmes, blottie autour de l'église paroissiale. Dans le courant du XVIe siècle, une formidable expansion, à la fois économique et humaine, est marquée par l'implantation de nombreuses familles italiennes originaires de Gênes. 

L'explosion démographique d'une bourgade de pêcheurs

L'explosion démographique d'une bourgade de pêcheurs
En moins d'un siècle, la population passe de 200 à 10 000 habitants. La ville se dote d'un nouveau rempart, beaucoup plus vaste que le précédent, et l'îlot Saint-Jacques s'urbanise autour de nouveaux bâtiments religieux. En 1581, dans la tradition médiévale et chrétienne de « cohabitation » entre morts et vivants, un nouveau cimetière intra-muros y est créé. Quelques années plus tard, l'hospice Saint-Jacques, qui a laissé son nom au quartier, est construit à proximité directe du cimetière, ce dernier restant en activité jusqu'en 1831, date de son transfert officiel.

Plus d'un millier de tombes

Une équipe de l'Inrap, constituée d'une trentaine d'archéologues (anthropologues, topographes, etc.), met au jour, depuis mars 2009, le cimetière, le bâti associé ou postérieur à l'aire funéraire et les traces d'occupation plus anciennes liées à la mise en culture du secteur durant le Moyen Âge. Un pan de l'histoire de La Ciotat, de ses habitants, se dévoile ainsi grâce à cette opération archéologique unique par son ampleur: la fouille de  plus d'un millier de tombes.
Pouvoir explorer par l'archéologie la totalité d'un cimetière paroissial d'époque moderne bien conservé constitue une première. En effet, hormis quelques cimetières de crise ou de catastrophe, liés par exemple à des épisodes de peste, aucun cimetière complet n'a été exhumé en Provence.
Alors même que la problématique de la mort durant l'époque moderne a été largement traitée par les historiens, les archéologues et anthropologues investissent ce champ de la recherche au travers de méthodes qui leur sont propres (paléodémographie, paléopathologie, anthropologie funéraire...).

Explorer les pratiques funéraires

L'un des intérêts majeurs de cette fouille est l'exploration des pratiques funéraires dans un contexte d'ensevelissement classique. Les archéologues se penchent sur l'évolution chronologique des sépultures, la gestion de l'espace funéraire, les types d'inhumations et de leurs dépôts... Ils observent déjà par exemple une nette évolution dans les pratiques funéraires. Ainsi à de simples fosses en pleine terre où le défunt des XVIe-XVIIe siècles est inhumé en linceul, succèdent au XVIIIe-XIXe siècles des cercueils en bois, dans lesquels les défunts sont souvent habillés. La présence de nombreux éléments vestimentaires, boutons, agrafes, boucles, de bijoux ou d'attributs religieux matérialisés par des chapelets, crucifix et médailles, retrouvés en place sur les défunts, renseigne sur les pratiques funéraires, les costumes de l'époque et l'importance des marques de dévotion religieuse de cette population, fortement catholique.
L'extrême imbrication des tombes dans les cimetières urbains de cette période, due à une équation complexe - contenir un maximum d'individus dans un minimum de place -, met ici en évidence quantité de gestes qui renseignent sur la façon dont les vivants géraient leurs morts.

Archives écrites et « archives du sol »

L'autre intérêt majeur de la fouille concerne l'étude de l'ensemble des inhumés : l'évolution et les spécificités de la population, la paléodémographie, l'état sanitaire. L'étude anthropologique permet d'établir une sorte de « carte d'identité » de chaque squelette: âge au décès, sexe pour les adultes, maladies, carences alimentaires, traumatismes, éventuelles activités se marquant sur les os... La rencontre de ces histoires individuelles permettra d'appréhender de façon globale la population de La Ciotat pendant 250 ans, dans ses dimensions démographique et sociale.
La conservation des registres paroissiaux depuis 1575 permet la comparaison entre archives écrites et archives du sol. Les registres montrent l'évolution de la composition sociale de la population inhumée dans ce cimetière : tout d'abord, les plus pauvres, les bourgeois et notables préférant se faire enterrer dans les édifices religieux. Au XVIIIe siècle, avec l'émergence du mouvement hygiéniste l'inhumation en cimetière devient la règle. L'archéologie confirmera-t-elle ou non cette évolution et permettra-t-elle d'en affiner la datation ?
Aménagement : SOGIMA, CUM Marseille Provence Métropole
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie (DRAC PACA)
Responsable scientifique : Anne Richier, Inrap
Contact(s) :

Mahaut Tyrrell
chargée de communication médias
Inrap, pôle partenariats et relations avec les médias
01 40 08 80 24 - mahaut.tyrrell [at] inrap.fr

Catherine Dureuil
chargée du développement culturel et de la communication
Inrap Méditerranée
06 87 01 62 86 - catherine.dureuil [at] inrap.fr