Entre mars et juin 2020, une fouille d’archéologie préventive a été prescrite par l’État en amont de la restauration et de l'aménagement intérieur du château d'Étreval, un joyau de l’architecture de la Renaissance en Lorraine. 

Dernière modification
25 novembre 2020

Dans la plaine du Saintois, le château d'Étreval est l'un des principaux sites lorrains où l'architecture ornementale de la Renaissance se développe pleinement, dès le second quart du XVIe siècle. Derrière une harmonie de façade, le château est en réalité le fruit de plusieurs campagnes de construction. Suite à un projet de restauration et d'aménagement des intérieurs, une étude archéologique a été prescrite par l’Etat. Réalisée par une équipe d’archéologues de l’Inrap, elle porte sur les façades et les quatre niveaux de circulation de la partie orientale du château, également la plus ancienne. L'ensemble fortifié aménagé sur des marnes argileuses compactes surplombe le village d'Étreval.

Une maison seigneuriale fortifiée et agrémentée de décors au milieu des champs

En 1533, le duc de Lorraine Antoine 1er accorde plusieurs droits sur la seigneurie d'Étreval à François de Tavagny, écuyer de sa Grande Écurie. Ce dernier, qui a l'intention d'aménager sa résidence en ce lieu « pour soi retirer en temps de peste et autrement », est également capitaine de Vézelise où il demeure ordinairement. A priori érigé ex novo, le château sert à asseoir l'autorité du nouveau seigneur : cette grande résidence qui prend place au-dessus du village est théoriquement en capacité de se défendre. D'épais murs périphériques, de massives tours de flanquement circulaires, plusieurs canonnières et un fossé constituent les éléments défensifs initiaux encore en place. La régularité manifeste du plan implique une répartition réfléchie des espaces fonctionnels. La restitution du volume interne de la construction, la forme des ouvertures et des voûtes couvrant la cave et les tours et quelques structures de la construction initiale indiquent que le programme se place dans la continuité des formes architecturales de la fin du Moyen Âge.

Canonnière à l'étage de la tour orientale.

Canonnière à l'étage de la tour orientale. 

©

A. Lacaille, Inrap


Néanmoins, le commanditaire expose son attachement aux nouvelles formes architecturales de la Renaissance sur la façade principale sur cour en pierres de taille. La composition régulière de l'élévation, marquée verticalement par les colonnes et horizontalement par les entablements et corniches, et les décors sculptés des chapiteaux de colonnes et des gargouilles en témoignent. Il est d'ailleurs avéré que la famille de Tavagny, originaire d'Italie, a grandement contribué à la diffusion de l'art de bâtir de la Renaissance en Lorraine.

Un changement de programme : l'extension du château

Les observations archéologiques tendent à prouver que le château était initialement conçu comme un quadrilatère flanqué de quatre tours. La portion de l'ensemble bâti qui fait l'objet de l'étude archéologique est tout ce qu'il subsiste en élévation de ce premier chantier. Peu de temps après, voire en cours de chantier, le programme devient plus ambitieux : l'aire du château est quasiment dédoublée avec le prolongement des murs et la mise en place de deux tours flanquantes du côté ouest. L'extension du logis sur la partie ouest semble intervenir dans un second temps. Les dimensions évoquent un ensemble capable d'accueillir de nombreux hôtes et des serviteurs. La parure ornementale du prolongement de la façade en pierres de taille, à défaut d'être une copie fidèle de la façade initiale, en reprend le schéma directeur afin de former une continuité visuelle convaincante. La diversité est de mise en termes de programme décoratif. Des blasons sculptés, malheureusement bûchés, ponctuent les adjonctions successives.

L'organisation des dépendances du château, ordonnée symétriquement en avant de celui-ci suivant un tracé régulier, correspond à celle des maisons nobles rurales qu'évoquent les traités d'architecture. Le château constitue le centre d'un vaste domaine seigneurial dans lequel la ferme joue un rôle économique essentiel. L'ensemble de ces adjonctions, qui donne au château la forme qu'il conservera jusqu'au XVIIIe siècle, témoigne des ressources financières importantes des seigneurs du nom de Tavagny.

Aménagements successifs et témoignages matériels

Le dégagement des maçonneries et l'étude approfondie des structures a permis d'identifier plusieurs phases d'aménagements postérieurs. De nombreuses canonnières ont été ajoutées dans la partie supérieure de chaque tour. Elles viennent compléter le dispositif défensif de la résidence seigneuriale, éventuellement dans un contexte de troubles. Les principales modifications à l'intérieur interviennent après un incendie qui a laissé des traces à l'étage du corps de logis étudié. En premier lieu, un mur de refend et de nouveaux plafonds sont mis en place. Enfin, l'escalier rampe-sur-rampe d'accès à l'étage et de fines cloisons sont ajoutés par la suite. Entre autres traces d'occupation, un corpus de graffiti de différentes époques a retenu notre attention. L'étude en cours permettra de mieux préciser la chronologie de ces différents événements et de les relier avec l'histoire des trois familles qui ont occupé le château de sa construction jusqu'à nos jours.

 « Fransoys de Tavagny ».

Découverte d'un graffito avec le nom du seigneur d'étreval : « Fransoys de Tavagny ». 

©

A. Lacaille, Inrap

Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherches archéologiques : Inrap
Responsable d'opération : Antoine Lacaille