À​ Bréviandes (Aube), une fouille de l’Inrap a livré des habitats et des sépultures du Néolithique ancien jusqu’au Néolithique récent. La Protohistoire est également représentée sur le site avec une trace d’occupation au Bronze ancien, une nécropole du Bronze final et une fosse de combustion du Hallstatt ancien à début moyen.

Dernière modification
04 mars 2021

Un projet d’aménagement de lotissement conduit par Aube Immobilier sur une terrasse alluviale de la vallée de la Seine (environ 15 ha) a fait l'objet de deux prescriptions de fouille archéologique par l’État (Drac Grand-Est, Service Régional de l’Archéologie). Une équipe d’archéologues de l’Inrap a mené les recherches pendant deux mois sur une portion de cette zone.
Un niveau de sol pléistocène (50000-30000 ans avant notre-ère) a été repéré sur une large partie de l’emprise sans livrer de vestiges liés à l’occupation humaine. Le Néolithique livre la majeure partie des vestiges avec des sépultures et fosses de rejets du Néolithique ancien, du Néolithique moyen II et du Néolithique récent. Les occupations humaines néolithiques semblent avoir subi une importante érosion n’ayant pas permis la conservation des implantations des poteaux des bâtiments. Une fosse de rejet profonde révèle une présence humaine à l’âge du Bronze ancien. Par la suite, c’est une petite nécropole à incinérations qui est installée à l’âge du Bronze final, dont l’état est assez dégradé. Enfin, les vestiges montrent une occupation particulière d’une structure chauffée au Hallstatt ancien – début moyen (800-600 avant notre ère).

Une nécropole et des traces d’habitat du Néolithique ancien (environ 7000 ans avant notre ère)

Dans le sud de la zone ouverte, une petite nécropole à inhumation du Néolithique ancien a été découverte à proximité de fosses de rejets de la même période. Si l’érosion a complètement effacé les trous de poteau installés au sommet de la terrasse lœssique (dépôt éoliens), les fosses profondes de 40 à 50 cm correspondent visiblement à des fosses latérales de maison de la période rubanée (5300-4800 avant notre ère). Celles-ci, destinées dans un premier temps à fournir la terre nécessaire à l’édification des parois, ont été comblées par de nombreux objets du quotidien usagés (céramiques, silex, outils de mouture) et des restes de consommation alimentaire.

Détail du crâne de l’individu inhumé entouré des parures en coquillages (St. 1019)

Détail du crâne de l’individu inhumé entouré des parures en coquillages (St. 1019)

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Inrap, Marion Gorbea


La nécropole comporte six inhumations en position fœtale, dont deux sont particulièrement notables. La première est celle d'un adulte dont les sédiments entourant la tête ont livré plus de 180 coquillages perforés, qui ont pu être apposées en décors de vêtement. L’étude des traces d’usure dira si ces parures ont été fabriquées pour un vêtement funéraire, ou si elles ont été portées durant la vie de l’individu. La seconde, exceptionnelle pour le Néolithique ancien, est la tombe d’un enfant d’environ 8 ans, reposant à proximité de la précédente, et dont le sommet du comblement a fourni un petit bol en céramique.
Cette organisation de nécropole à proximité de l’habitat reste un témoignage rare pour le Néolithique ancien régional. Les objets mis au jour viendront enrichir les connaissances sur les productions céramiques et lithiques de ces populations, leur mode d’approvisionnement et leurs réseaux d’échanges.

Une sépulture multiple du Néolithique récent (3500-3000 avant notre ère)

Les traces d’occupation du Néolithique récent sont plus dispersées : quelques fosses de rejets réparties sur l’ensemble de la zone fouillée et au moins deux sépultures. Si l’une d’elle est plutôt classique, avec le dépôt d’un adulte en position fœtale accompagné d’une lame de hache en silex, l’autre est plus complexe à saisir tant dans les pratiques que dans les intentions. Il s’agit d’une sépulture multiple installée dans une fosse oblongue de plus de 2 m. Un premier individu, adolescent, a été installé dans une moitié de la fosse, accompagné de deux vases retrouvés renversés. Par la suite, deux adultes ont été inhumés en sens opposés, probablement dans un même temps, et sont enchevêtrés.

Sépulture multiple du Néolithique récent (St. 5001)

Sépulture multiple du Néolithique récent (St. 5001)

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Inrap, Fabien Langry-François


L’étude devra dans un premier temps corréler l’organisation et la temporalité des dépôts, pour permettre de comprendre la réintervention menée dans la sépulture de l'adolescent pour y ajouter deux adultes. Le premier a visiblement été manipulé à un premier stade de décomposition pour faire place aux suivants. Ces adultes seront examinés de près, l’un d’eux ayant notamment une pointe de flèche en silex à l’emplacement d’un os du bassin dissous. Le parallèle est tentant avec les exemples récents de la vallée de l’Aisne où des adultes ayant connu une mort violente sont ajoutés dans des sépultures d’individus plus jeunes. Malgré tout, l’intention derrière le geste du dépôt de ces individus dans une sépulture existante reste à explorer.

Vases déposés avec l’adolescent de la sépulture multiple néolithique récent (St. 5001)

Vases déposés avec l’adolescent de la sépulture multiple néolithique récent (St. 5001)

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Inrap, Fabien Langry-François

Protohistoire : Âge du Bronze (1300-800 avant notre ère) et Hallstat (800-600 avant notre ère)

Les archéologues ont retrouvé sur le site des incinérations de l’âge du bronze. Ces vestiges sont classiques pour la période mais leur repérage a été difficile du fait de leur mauvais état de conservation. Si ces vestiges funéraires sont attestés, la Protohistoire est davantage marquée par la présence sur le site d’une structure rare à la période hallstattienne. Une partie d’une vaste fosse de plus de 50 m2 a été utilisée pour mener une importante combustion de plus de 2 m2. Celle-ci conservait une couche cendreuse fortement rubéfiée sur près de 50 cm, ayant livré de nombreux restes céramiques et quelques restes de faune. Un aménagement extérieur en brique crue de lœss, partiellement conservé, indique l’entrée aménagée d’une fosse de cuisson.

Des prélèvements ont été réalisés en vue d’une datation archéomagnétique (visant également à conforter l’analyse de la structure) et pour exclure toute position de rejet de ces sédiments très aérés. Les fosses alentours livrent des céramiques graphitées remontant au Hallstatt ancien à moyen. L’étude céramique devra en premier lieu observer la présence ou l’absence de débris de fabrication et de recuits de céramiques. Une fosse de cuisson d’un tel volume oriente pour le moment davantage vers une utilisation artisanale que domestique et alimentaire. La cuisson de céramiques grossières hallstattiennes en meule est une piste non négligeable. Si les analyses et études confirment cette hypothèse, il s’agirait alors d’une découverte importante sur le Nord de la France, étant donné que seuls quelques rares fours de céramiques fines sont connus pour la période.

Aménagement : Aube Immobilier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Fabien​ Langry-François