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Impact paléogéographique du cours de l’Omo et du lac Turkana (Kenya) sur les hominines
Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à aujourd’hui, un changement climatique aride extrême ne serait pas à l’origine de l’évolution du peuplement de la vallée du Rift (région du Lac Turkana, Kenya). Xavier Boës (Inrap) est le premier auteur de l’équipe internationale qui vient de publier un article sur l’évolution de cet environnement dans la revue Quaternary Research (Cambridge University Press).
Le lac Turkana et la rivière Omo
La région du lac Turkana livre, depuis un demi-siècle, les plus anciens fossiles de la lignée humaine (Paranthropus aethiopicus, Paranthropus boisei, Homo ergaster…). Il y a plus de 2,25 millions d’années, c’est un grand lac d’eau douce alimenté par la rivière Omo. À cette époque, le lac possède un exutoire au sud-est, qui permet à l’Omo de s’écouler jusqu’à l’Océan Indien. Les rives du lac Turkana étaient alors occupées par une riche faune et des homininés.
La fermeture du lac Turkana
Une activité volcanique bouchant son exutoire, le lac va se fermer ; le bassin hydrographique de l’Omo va fonctionner en vase clos durant 400 000 ans. Dans cette dépression particulièrement aride du rift, le lac Turkana devient alcalin-salé. Sans aucune sortie possible pour l’Omo, le niveau du lac se maintient toutefois par évaporation. Sur le plan anthropologique, cet épisode constitue un hiatus dans la découverte d’hominines fossiles. Ce hiatus est également observé dans les sites archéologiques côtiers, mis au jour depuis 30 ans par la Mission Préhistorique Française au Kenya (dir. H. Roche puis S. Harmand, cnrs).
Il y a 1,85 million d’années, un nouvel exutoire
À partir de 1,85 million d’années, les crues de la rivière Omo, qui alimentent la dépression du rift Omo-Turkana, entraînent une hausse du niveau du lac Turkana, qui trouve un nouvel exutoire vers l’ouest et se connecte temporairement au bassin hydrographique du Nil, et vers la Mer Méditerranée. Au cours de cette période, le lac perd sa salinité et redevient un lac d’eau douce. Ses rives sont alors reconquises par un nombre plus important de représentants de la lignée humaine dont Paranthropus boisei et Homo ergaster.
Ces dernières découvertes pourraient permettre d’expliquer l’absence de fossile d’hominines durant 400 000 ans (entre 2,25 et 1,85 million d'années), le long du littoral de ce grand lac d’Afrique. Les raisons ne seraient donc pas un changement climatique extrême, mais l’évolution paléo-géographique du cours de l’Omo et du lac Turkana.
Depuis 10 000 ans, la rivière Omo finit sa course dans le lac Turkana à nouveau privé de son exutoire. Ce lac est le plus salé des grands lacs est-africains et les conditions de vie sur ses rives y sont particulièrement hostiles pour les populations nomades.
Xavier Boes (géologue à l’INRAP) devant une coupe géologique lacustre vieille de 2.4 Millions d‘années en cours d’échantillonnage (2018).
Xavier Boës INRAP
Prospections de la MPK sur les anciennes zones côtières du Lac Turkana, datées vers 2.2 Millions, à 8 km à l’ouest du lac.
Xavier Boës INRAP