Une équipe de l’Inrap a effectué une fouille archéologique à Liverdun, sur le site d’une ancienne usine. Les vestiges spectaculaires mis au jour ont été l’occasion de redécouvrir un pan de l’histoire industrielle de cette commune. C’est aussi la première fois en Lorraine, qu’une intervention archéologique est spécifiquement centrée sur une activité industrielle récente.

Dernière modification
05 janvier 2023

Un complexe industriel né sous le Second Empire

La surface étudiée (4000 m²) est relativement restreinte par rapport à l’emprise totale de l’usine, qui a été conçue comme un véritable complexe industriel. Cette usine possédait en effet une concession de mine de fer, une carrière de pierres calcaires, un établissement métallurgique produisant de la fonte, une briqueterie et diverses dépendances (écuries, remises, ateliers de réparation). Une cité ouvrière permettait le logement à demeure des mineurs et des ouvriers.

L’usine profitait également de deux infrastructures majeures, auxquelles elle fut autorisée à être reliée : le canal de la Marne au Rhin (aujourd’hui remblayé et effacé du paysage) et le chemin de fer. Ces voies de communication ont été mises en service quelques années seulement avant la construction des premiers bâtiments de l’usine, en 1865.
Sur la parcelle étudiée, les vestiges les plus anciens concernent uniquement l’activité d’extraction du minerai de fer et la cité-ouvrière quand, après la guerre de 1870, l’usine décide de mettre en service de nouveaux hauts-fourneaux.


Une galerie liée au transport du minerai de fer

Une large galerie voûtée a été reconnue dès la phase de décapage. Interprétée comme galerie de roulage, elle permettait d’acheminer le minerai de fer, la minette, jusqu’à un quai de chargement situé à proximité du canal de la Marne au Rhin. La galerie mise au jour ne constituait toutefois qu’un élément d’un réseau de circulation souterrain plus vaste.
Cette galerie a fait l’objet d’une numérisation grâce à un scanner 3D. Une couverture photographique a aussi été réalisée par le Service de l’inventaire du patrimoine.


 

L’évacuation des eaux pluviales de la cité ouvrière

Les vestiges liés à la cité ouvrière, dont les bâtiments se situaient en dehors de l’emprise fouillée, correspondent à deux canalisations d’évacuation d’eaux pluviales. Le dispositif était complété par une citerne maçonnée, implantée à mi-pente, qui assurait également la régulation du débit de l’eau.

Liverdun 7

Citerne maçonnée, construite à l’emplacement du point d’inflexion du tracé de la canalisation d’évacuation.

© Inrap, Rémy Jude

 

Les vestiges de l’activité métallurgique

L’étude de ces vestiges figurait au cœur des problématiques scientifiques de ce chantier. Une imposante fondation d’un haut-fourneau a ainsi été mise au jour. La présence de quatre galeries en briques, au cœur même de la fondation, constitue une des particularités de cet ensemble.

D’autres installations, indissociables d’un haut-fourneau, ont aussi été appréhendées. Il s’agit notamment de la fondation d’un échangeur à air et de la base d’une cheminée en briques, dynamitée en 1925 par le Génie militaire.
Les piliers d’une halle de coulée, ainsi que les vestiges plus tardifs d’un atelier de martelage, ont aussi été étudiés.

Des blocs de pierre du pont-canal de Liverdun

Les derniers vestiges présentés ici correspondent à de nombreux blocs architecturaux, retrouvés dans des remblais récents. Leur étude, réalisée avec l’aide d’un tailleur de pierre, a permis de confirmer leur appartenance au pont-canal de Liverdun. Ce pont, qui permettait au canal de la Marne au Rhin de franchir la Moselle, a été démoli à l’explosif en 1978. Certains blocs témoignent d’une importante campagne de restauration, réalisée peut-être après les hivers 1890 et 1891.

Ce chantier de fouille, au-delà des questionnements soulevés par les services patrimoniaux de l’État, a aussi permis aux habitants de Liverdun, de (re)découvrir et de s’approprier une partie de l’histoire de leur territoire, une dimension sociale de l’archéologie peut aussi être évoquée. 


 

Liverdun 18

Visite sur la fouille avec le responsable d'opération.

© Estelle Bénistant, Inrap

Aménagement : Maison d’en France Champagne et Lorraine Sud
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac, SRA Grand Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Yannick Milerski, Inrap