Préalablement à l'implantation d'une future usine de bioéthanol smbe, sur une parcelle de 47 ha, des sondages archéologiques ont été réalisés au cours de l'été 2006. De nombreuses occupations humaines, allant du Néolithique ancien au Moyen Âge, ont été repérées. Au vu de ces résultats, une fouille extensive sur plus de 12 ha. a été confiées à une équipe de l'Inrap entre février et septembre 2007.
 

Dernière modification
19 février 2016

Les vestiges les plus anciens datent du Néolithique (5000 avant notre ère). Ils se composent de structures d'habitat (bâtiments, fosses d'extraction, silo, etc.) et probablement d'une sépulture. L'élément le plus significatif est une grande maison de la culture dite rubanée. Les traces des poteaux en bois plantés dans le sol permettent d'en dresser le plan et de savoir qu'elles mesuraient respectivement de 25 m de long et 8 m de large. Des fosses latérales servaient de zone d'extraction des sédiments pour la réalisation du torchis. Ces fosses, comblées par des rejets de silex ou de céramiques, permettent aux chercheurs de dater ces découvertes et de connaître un peu mieux la vie de ces premiers agriculteurs sédentaires.

Un hameau néolithique et une nécropole de l'âge du Bronze

Un hameau néolithique et une nécropole de l'âge du Bronze
À quelques mètres de là, mais des milliers d'années plus tard (Xe-IXe siècles avant notre ère), des hommes ont enterré d'autres hommes.
Cette nécropole de l'âge du Bronze final est composée de sept enclos funéraires circulaires. Seule la trace du fossé qui servait à l'extraction de la terre pour constituer le tumulus (monticule de terre recouvrant une sépulture) est encore visible. En effet, en raison notamment de l'érosion des sols, aucune sépulture n'a pu être préservée.
Six sépultures et trois incinérations, sans matériel associé, postérieures à l'âge du Bronze, situées hors enclos et pour certaines isolées, ont été mises au jour dans cette zone ; mais seule une datation par carbone 14 permettra de les dater précisément.
 

Une petite ferme de l'âge du Fer

Des agriculteurs se sont installés aux vie-ve siècles avant notre ère, à la fin du 1er âge du Fer, créant ainsi une petite ferme d'une superficie de 2 ha. Les traces d'au moins quatre bâtiments de 10 à 20 m², espacés d'une trentaine de mètres signalent la zone d'habitation. Des fosses attenantes ont servi de dépotoirs et permis la mise au jour de vestiges de la vie quotidienne : fragments de céramiques peintes, objets en fer dont un rasoir, ossements de jeunes animaux, qui laissent penser à la présence d'une population aisée. À proximité de cet habitat, quelques greniers surélevés permettaient de protéger les récoltes des intempéries et des rongeurs. Enfin, à une centaine de mètres, une dizaine de silos enterrés servaient de zone de stockage des céréales pour les longues périodes d'hiver.
 

Une voie romaine jusqu'alors inconnue

Les populations gallo-romaines ont aussi laissé leurs traces sur ce terroir. L'emplacement de la future usine est traversé dans sa longueur par une route antique parallèle à la Seine et jusqu'alors insoupçonnée. Au-delà du secteur de fouille, son tracé reste incertain. Probablement, reliait-elle la ville romaine de Troyes à une autre, plus à l'ouest, peut-être Paris. Elle est caractérisée par ses fossés d'accotement et, à certains endroits, par une concentration anormale de pavés de grès dans la couche de labours.
 

Un mausolée funéraire gallo-romain

Durant le Ier ou le IIe siècle de notre ère, un impressionnant monument est construit le long de la voie romaine. Il s'agit d'un mausolée funéraire destiné à magnifier la mémoire d'un personnage important de la région. Au centre d'un parc rectangulaire protégé par un mur, il avait la forme d'une tour carrée de 10 à 15 m de haut. Bien que seules les imposantes fondations soient conservées, d'autres exemples encore debout, comme le mausolée de Saint-Rémy-de-Provence, permettent d'imaginer à quoi ressemblait celui-ci. Il devait se composer de trois étages de plus en plus étroits. Le décor copiait l'art de Rome, avec des colonnes cannelées surmontées de chapiteaux et de corniches moulurées. Au sommet, dans une rotonde couverte d'un toit conique, dominait la statue du défunt. D'autres motifs pouvaient illustrer les faits glorieux du personnage. L'identité du défunt est inconnue. Son corps n'a pas été retrouvé car à cette époque les Romains se faisaient incinérer. L'urne devait se trouver dans une petite niche du mausolée. Mais il s'agit manifestement d'un riche notable, peut-être l'un de ces illustres vétérans de l'armée romaine, à qui l'Empire offrait des terres dans une province fraîchement soumise.
 

Une nécropole du haut Moyen Âge

Environ 650 sépultures médiévales (VIe-XIIe siècles de notre ère) ont été découvertes aux abords de la voie romaine, qui, à cette époque, bien que légèrement moins large, est toujours utilisée.
L'étude de ces inhumations permet de mieux comprendre les pratiques funéraires du haut Moyen Âge : présence ou non de cercueil, de coffrage en bois ou pierres ou encore de linceul. Les objets retrouvés correspondent à la phase la plus ancienne (VIe siècle de notre ère) : boucles de ceinture en fer décorées d'argent, fibules en bronze, scramasaxes (poignard à un seul tranchant) en fer, céramiques. Ils attestent que les défunts étaient inhumés avec vêtements et accessoires. Aux siècles suivants, leur disparition peut être mise en lien avec la christianisation progressive des populations.
Après la fouille, le travail des anthropologues en laboratoire sur le sexe, l'âge, l'état sanitaire, les pathologies des défunts offrira un vaste champ d'étude de ces populations anciennes. Cette nécropole est sans doute en relation avec l'habitat médiéval (Xe-XIIe siècles de notre ère) découvert à quelques centaines de mètres au nord.
 

Un habitat du Moyen Âge (X-XIe siècles)

Enfin, une occupation de la fin du haut Moyen Âge a été fouillée sur 1,6 ha. Les 400 structures mises au jour correspondent à au moins 4 ensembles de bâtiments, associant systématiquement cabanes excavées (atelier artisanal ou lieu de stockage), foyers et maisons en matériaux périssables. Des silos à grains sont associés à ces zones ou regroupés dans des aires spécialisées.
Le mobilier est abondant : céramique, dont de nombreux tessons présentant des décors, objets en fer (couteaux, pointes de flèches...) et quelques éléments de tabletterie dont un pion d'échec. Il s'agit probablement d'une occupation à vocation agricole appartenant à des individus d'un statut social relativement élevé.
 
Aménagement : Usine SMBE, Groupe Soufflet
Responsables scientifiques : Raphaël Durost, Sandrine Fournand, Vincent Marchaisseau, Isabelle Richard, Marie-Cécile Truc, Guillaume Verrier, Inrap
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie, Drac Champagne-Ardenne