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La visitation, un quartier de la ville antique de Rennes
A Rennes, Ille-et-Vilaine, de juin à décembre 2004, l’opération archéologique de la Visitation a offert l'opportunité d'étudier près de 4 000 m2 de Condate (nom de Rennes durant la période gallo-romaine), ce qui constitue une surface exceptionnelle en milieu urbain et inscrit ce chantier parmi les plus importants réalisés en centre ville.
Elle a permis d'apporter une vision à grande échelle sur l'organisation et l'évolution d'un des quartiers de la ville antique. La fouille de ce site, situé sensiblement au centre de l'agglomération, a notamment permis la découverte de deux rues orthogonales, le long desquelles se développent et se transforment, durant plus de trois siècles, tout un ensemble de constructions à vocations résidentielle et artisanale.
La création de ces deux rues remonte à la première moitié du Ier siècle de notre ère. Elle succède à une première occupation, assez lâche, remontant aux origines de notre ère et exerçant son activité autour de la métallurgie.
C’est probablement sous Tibère que l’espace urbain se structure réellement, avec l’apparition de ces deux rues, larges de 6 à 7 m et bordées par des trottoirs d’environ 2,50 m. De grandes disparités apparaissent entre les îlots ainsi créés, puisque ceux situés au nord paraissent peu occupés et perpétuent la tradition artisanale antérieure, tandis qu'au sud, l'espace est densément construit. On y voit s'élever de grandes unités architecturales dont le type morphologique les rapproche de celui de la domus, résidence urbaine organisée autour d'un jardin.
Deux de ces demeures, bien mises en évidence dans le quart sud-est de la fouille, montrent que les parties à caractère résidentiel peuvent voisiner avec d'autres, consacrées à des artisanats divers (tissage, meunerie...), soulignant la réalité d'activités de production, que ce soit à des fins domestiques ou commerciales. Utilisées du Ier à la fin du IIIe siècle, ces grandes maisons ont fait l'objet de nombreuses restaurations et parfois de transformations importantes.
La seconde moitié du IIe siècle, ou encore le début du IIIe siècle, voient notamment le bâti évoluer considérablement, avec des maçonneries qui, s'épaississant, traduisent l'ajout d'étages. Cette caractéristique s'observe partout au sud du decumanus (rue est-ouest). Le long du cardo (rue nord sud), on assiste même à un début de monumentalisation, en particulier au niveau d'une boutique largement ouverte sur le trottoir et interprétée comme une taverne.
Ces formes urbaines cossues, même si elles n'apparaissent que tardivement, indiquent que le decumanus marque une limite dans l'agglomération, entre un secteur fortement urbanisé au sud et une zone moins structurée au nord.
Avec la fin du IIIe siècle, une fois l'enceinte urbaine édifiée, le site est rejeté extra muros. Dès lors, il était amené à connaître le sort des autres quartiers de la ville restés hors les murs, voués à la ruine suite à leur abandon plus ou moins rapide.
Toute la partie nord du site est de fait désertée, mais un ultime programme architectural se développe encore au sud du decumanus, qui est quant à lui retracé et élargi en une sorte de place à l'approche de son intersection avec le cardo.
La fonction de ces nouvelles constructions reste floue, mais l'hypothèse d'un établissement relevant du pouvoir public constitue une piste privilégiée.
C'est lors de la fouille de ces vestiges tardifs qu'a été mis au jour deux objets en terre cuite. Fracturés, puisque ayant servi à la construction d'un des derniers sols maçonnés découverts, l'un d'eux est pratiquement complet et a pu être reconstitué.
Les temples miniatures de la Visitation
Deux monuments ont été restitués, l'un presque complet, l'autre très fragmentaire. Le premier, qui a fait l'objet d'une restauration, se présente sous la forme d'un assemblage de trois pièces, d'une hauteur totale restituable de 150 cm environ. Il est composé d'un haut corps circulaire de 44 cm de diamètre rythmé par cinq colonnes corinthiennes engagées, lesquelles supportent sur l'essentiel du pourtour une architrave à bandeaux, une très haute frise et une corniche sommaire. Ce corps circulaire est percé d'une porte, surmontée d'un entablement rectiligne et d'un fronton.
Le deuxième élément, dont manque la partie inférieure, constitue une toiture en « pavillon de trompette » ornée de feuilles imbriquées de taille décroissante et d'un traitement très soigné. Au sommet de cette toiture venait s'encastrer grâce à un manchon le troisième élément, un chapiteau corinthien. Celui-ci, percé d'un trou de scellement, devait accueillir un élément sommital (pomme de pin) ou une sculpture dont rien ne nous est parvenu.
Ce singulier monument devait être juché sur un podium, peut-être en maçonnerie, portant la hauteur totale à 2 m ou 2,50 m. La présence de la porte suggère qu'il accueillait une représentation sculptée.
Le deuxième monument, constitué de fragments de toiture et de chapiteau corinthien sommital, présente une facture voisine, mais non identique, de celle du premier monument.
Des traces de pigmentation (rouge, brun, jaune) attestent que ces deux petits édifices étaient revêtus de peinture.
Quelle était leur fonction ?
Malgré le remploi de ces deux ensembles, l'analyse de leur structure permet plusieurs hypothèses d'interprétation.
Le monument restauré évoque une maquette architecturale, c'est-à-dire une représentation en miniature d'un édifice. Cependant de nombreuses approximations et invraisemblances indiquent qu'il ne s'agit pas d'un modèle destiné à des bâtisseurs en vue d'une construction véritable.
Avec son plan circulaire, sa toiture à imbrications et son chapiteau sommital, il rappelle l'étage supérieur des tombes monumentales de la fin de la République et du début de l'Empire dont le célèbre mausolée de Glanum, près de Saint-Rémy de Provence. On voit mal, toutefois, comment une structure de ce type peut signaler une sépulture. De surcroît, la porte du monument est manifestement précédée d'un porche rectangulaire - un peu à la manière du Panthéon d' Hadrien à Rome - structure absente de l'étage circulaire des tombes.