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Le culte de saint Romard à Châtelaillon : du mausolée au prieuré (Charente-Maritime)
À Châtelaillon, une fouille de l’Inrap offre l’opportunité d’étudier une partie du cimetière mérovingien et du prieuré saint-Romard. Capitale de l’Aunis jusqu’au XIe siècle (avant La Rochelle), la cité médiévale de Châtelaillon a aujourd’hui disparu, la falaise sur laquelle elle était installée ayant été sapée par l’océan. Hors les murs, le prieuré Saint-Romard a, lui, été épargné.
Le décapage de la parcelle a immédiatement mis au jour des vestiges notablement plus riches et variés que ce qui était attendu. Si la nécropole du haut Moyen Âge et médiévale classique est bien présente sur la parcelle, le lieu abrite également une portion d’église, abside et transept nord, qui constitue l’édifice antérieur à celui encore en élévation, ainsi que les traces de constructions contemporaines à cet édifice roman.
Au centre, le mausolée avec deux sarcophages imposants; à gauche du mausolée, un mur d’1 m de large pourrait constituer une clôture du prieuré.
Orthophotographie : © Vincent Miailhe
Saint-Romard, une fondation du haut Moyen Âge ?
Saint-Romard est connu au VIe siècle pour être un disciple de saint Hélier mais c’est au IXe siècle qu’il est mentionné sur une inscription présente dans l’abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe. Il y est fait alors mention du transfert de ses reliques de Châtelaillon vers ce lieu en raison des menaces vikings. Bien que ce saint soit mal connu, on peut envisager la présence, à Châtelaillon, d’un culte de Saint-Romard, associé à une chapelle à laquelle aurait succédé un prieuré dépendant de Saint-Michel-en-l’Herm. Ce prieuré est mentionné vers 940, notamment dans le cartulaire de Saint-Cyprien de Poitiers.
Une nécropole mérovingienne importante
Connue depuis la fin du XIXe siècle, une nécropole mérovingienne se développe sur une longueur de 150 m. Les sarcophages y sont très nombreux mais la plupart d’entre-eux ont été réutilisés durant le Moyen Âge classique. Ce sont ainsi des centaines de coffres monolithes, dotés ou non de leur couvercle, qui ont été mis au jour depuis 1880. Sur l’emprise de la fouille, ces mêmes sarcophages sont présents… Ils ont, à priori, tous été réutilisés dès le Xe siècle et abritent un voire deux individus.
Un probable mausolée altomédiéval
Au centre de la parcelle, deux sarcophages imposants, dotés de leur couvercle, sont enserrés dans une construction en pierre pseudo carrée de 4 m de côté. L’un d’entre eux abrite un adulte, l’autre un adulte et un enfant. De plus, contre le sarcophage sud, les restes d’un périnatal ont été mis au jour sous un aménagement de dalles plates. Même si à ce jour ces sépultures n’ont pas encore été datées, elles paraissent néanmoins devoir être attribuées au Moyen Âge central, les cuves des sarcophages portant des stigmates d’ouvertures.
Le mausolée en cours de dégagement, on distingue les deux sarcophages entourés d’une construction.
© P. Ernaux
Les mêmes sarcophages après ouverture.
© P. Ernaux
À l’extérieur du sarcophage 139 et contre la cuve, a été inhumé sous trois dalles plates un nourrisson.
© P. Ernaux
Le mausolée.
© P. Ernaux, Inrap
Une présence carolingienne
Elle se présente pour l’instant sous la forme d’une série de silos qui occupent la bordure sud du site. Cependant, la présence avérée des reliques d’un saint lors des invasions vikings, laisse à penser que le site abrite alors une chapelle à laquelle aurait succédé le prieuré du Xe siècle.
Un déplacement de l’église vers le sud
L’église priorale, encore partiellement en élévation à 15 m de l’emprise, est probablement le résultat d’une reconstruction du bas Moyen Âge, à la suite des destructions liées à la guerre de Cent Ans. En effet, des photographies de la fin du XIXe siècle montrent une architecture ogivale. Cette église, dernier vestige du vieux Châtelaillon, a été construite à côté de l’église antérieure, romane ou pré romane, dont une petite partie des vestiges se situe dans l’emprise de la fouille. Il s’agit alors d’une portion d’abside dont le mur est large de 85 cm et qui se poursuit sous la forme d’un bras de transept long de 2 m pour une largeur non connue (car hors emprise).
Dans l’alignement du transept roman, un puissant massif de maçonnerie ainsi qu’une tranchée de récupération de mur pourraient constituer les restes d’un cloître. Ce dernier est mentionné dans un texte de 1098 lors de la cession d’une partie de l’église d’Esnandes à l’abbaye de Saint-Jean-d'Angély.
Sépulture en pleine terre en cours de fouille.
© P. Ernaux
Céramique posée à coté d'un crâne.
© P. Ernaux, Inrap
Contre l’église, les sépultures sont nombreuses et de grande dimension. Il s’agit essentiellement de tombes en coffres, parfois maçonnées. Certaines d’entre elles livrent des vases, bouteilles à eau bénite ou pot à encens. Des sépultures en pleine terre sont également présentes. L’ensemble indique une nécropole importante dont on sait par ailleurs qu’elle a abrité plusieurs centaines de sépultures localisées au nord et à l’est de l’église.
Des structures et une stratigraphie complexes
Outre la présence du mausolée, des sépultures de toute typologie et de l’église, d’autres vestiges construits sont présents sur le site. Un mur large d’un mètre pourrait constituer une clôture du prieuré. Il est doublé par une autre maçonnerie parallèle et espacée de 2 m. Il apparaît évident qu’une organisation spatiale des abords du prieuré se met progressivement en place au fur et à mesure de la fouille des niveaux stratifiés qui complètent le tableau.
Enduit peint en faux appareil.
© P. Ernaux
Ces murs sont environnés notamment de remblais qui livrent des fragments de vitraux en grande quantité ainsi que des enduits peints figurant d’une part, un décor en faux appareil rouge sur fond blanc et d’autre part, un décor plus figuratif alliant des aplats et des rinceaux jaunes, noirs et rouge, toujours sur fond blanc.
En conclusion
D’une surface extrêmement réduite, ce site stratifié offre néanmoins l’opportunité d’étudier enfin une partie du cimetière mérovingien et du prieuré Saint-Romard, à l’origine de l’occupation historique du promontoire du vieux Châtelaillon. Rappelons que cette ville, capitale de l’Aunis avant La Rochelle, a connu un destin particulier avec la disparition progressive de la cité médiévale fortifiée au gré des effondrements de la falaise sapée par l’océan. Le prieuré, hors les murs, a été épargné par la mer mais n’a pas résisté aux destructions dues à la guerre de Cent Ans et aux guerres de Religion. Il est aujourd’hui le dernier vestige du Châtelaillon médiéval.
S’inscrivant dans cette histoire originale, la fouille permettra surtout de documenter la transition entre une nécropole mérovingienne, possiblement installée à la faveur de la présence de reliques, et la création d’un prieuré dès la première moitié du Xe siècle.
Recherches archéologiques : Inrap
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie, site de Poitiers, Drac Nouvelle-Aquitaine
Responsable de recherches archéologiques : Catherine Vacher, Inrap
Responsable de secteur (anthropologue) : Patricia Semelier, Inrap