Le complexe métallurgique du haut Moyen Âge des Fourneaux à Vert-Saint-Denis, Seine-et-Marne

Dernière modification
19 février 2016

L'exploitation du minerai de fer au lieu-dit Les Fourneaux a démarré à la fin de la période mérovingienne, au sein d'un habitat occupé sans discontinuité depuis le début du Ier siècle de notre ère. L'extraction et la réduction du minerai vont se poursuivre jusqu'au XIe siècle, parallèlement aux activités agropastorales. La fouille de sauvetage, menée en 1994, a permis l'étude de ce complexe artisanal sur 6,5 ha. 


La mine

Plus de 2 500 fosses d'extraction ont été dénombrées sur les 2 ha couverts par la mine dans l'emprise du décapage. La taille des creusements est variable. Les plus anciens secteurs d'extraction comprennent de vastes excavations de plus d'une dizaine de mètres d'envergure témoignant d'un travail en front de taille. Elles sont concentrées dans la partie centrale de la mine, dans le secteur assurant un rendement optimal. Le banc y est en effet très riche en minerai et facilement accessible puisque situé à environ 2 m sous la surface. En périphérie de cette zone, l'extraction a été pratiquée dans des puits de dimensions plus réduites correspondant à des creusements individuels de petite taille aux parois verticales. La mine a ainsi progressé de proche en proche. Ses limites sont dictées par la profondeur du minerai, le rendant inaccessible au sud et à l'est (profondeur > 4 m), ou par sa raréfaction, au nord. L'estimation de la masse de minerai extraite sur la partie reconnue de la mine s'élève à 450 tonnes. La disparité dans le type de fosses traduit deux modes d'exploitation distincts. Le premier fait appel à un travail collectif, là où les autres sont des creusements individuels. Les implications économiques en sont également différentes. Les puits appartenant à la phase tardive d'exploitation livrent entre 50 et 160 kg de minerai, tandis que les grandes fosses permettent une extraction moyenne approchant les 5 tonnes. Paradoxalement, la morphologie des structures de transformation reste remarquablement stable tout au long de la période.

Les ateliers de réduction

La répartition des scories permet de visualiser 6 voire 7 ateliers de réduction. 5 d'entre eux ont livré un bas-fourneau. Les deux autres pouvaient être masqués par des remblais, ou détruits par des aménagements postérieurs. Préalablement à son introduction dans les fours, le minerai était passé au feu afin d'éliminer l'eau et de dissocier les rognons de leur gangue argileuse. 80 foyers très similaires sont associés à ce prétraitement.

Les 5 bas-fourneaux fouillés sont du même type. Ils sont constitués d'une cuve partiellement enterrée, d'une trentaine de centimètres de diamètre. À l'avant et en contrebas se trouve la fosse dans laquelle les déchets en fusion sont évacués. Les coulées de scories correspondant à la dernière réduction y ont été laissées en place. Le poids des déchets permet d'estimer très sommairement une production d'environ 10 kg de fer par réduction, pour 30 à 40 kg de minerai. Les centaines de kilos de scories rejetées dans les dépotoirs aux alentours des fourneaux indiquent que de très nombreuses réductions se succédaient dans le même four, sur un court laps de temps.

Habitats spécialisés et réseaux d'échange

Si l'on excepte la métallurgie, le site des Fourneaux ne se démarque en rien des habitats ruraux contemporains et toutes les activités agricoles et domestiques habituelles y sont pratiquées. L'absence de nécropole et la taille moyenne de l'habitat (3 ha dans sa phase de plus grande extension, aux IXe-Xe siècles) nous conduisent à qualifier le site de hameau plutôt que de village. La place de la métallurgie dans son économie reste difficile à évaluer. La taille des ateliers de réduction et le mode d'exploitation perceptible dans la dimension de la plupart des fosses d'extraction semblent témoigner d'une petite communauté d'artisans. La production annuelle de métal est estimée à 500 kg. Bien que limitée, elle dépasse largement les besoins d'une production domestique. Aucune trace d'épuration du métal ou de fabrication d'objet n'a été retrouvée dans l'emprise des fouilles. Le fer produit à Vert-Saint-Denis devait être exporté vers d'autres ateliers de transformation. Plusieurs sites fouillés dans les environs ont livré des indices d'activité de forge pour la même période (Saint-Germain-Laxis, Sivry-Courtry). La complémentarité des ateliers pourrait témoigner d'une production gérée dans un cadre domanial et segmentée en deux grands secteurs productifs, avec d'une part une métallurgie extractive et d'autre part une métallurgie de transformation.