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Louise de Quengo, une bretonne du XVIIe siècle
Louise de Quengo, noble bretonne décédée en 1656, a été découverte, momifiée dans son cercueil de plomb, en 2014 par l'Inrap, lors de la fouille du couvent des Jacobins, actuel centre des congrès de Rennes Métropole.
L'ouvrage "Louise de Quengo, une bretonne du XVIIe siècle", paru le 28 octobre 2021, rédigé sous la direction de Rozenn Colleter, Daniel Pichot et Éric Crubézy, se présente comme une synthèse des résultats des recherches menées grâce au concours d’une quarantaine de chercheurs.
La condition de cette femme et les rites qui ont entouré son décès, dont sa momification, son habillement et l’échange posthume des coeurs entre les époux, permettent de découvrir et d’interpréter des moeurs et des croyances dont nous n’avions jusqu’à présent que des évocations littéraires. En effet, si Louise de Quengo n’a pas été inhumée avec son époux, le coeur de celui-ci avait été déposé sur sa tombe et le sien, prélevé, avait certainement été déposé dans celle de son mari. La confrontation des résultats aux données issues des 900 autres inhumés du couvent et aux données historiques permet de restituer de façon dynamique une époque et son évolution.
De 2011 à 2013, une équipe de l’Inrap a mené, sur prescription de l’État (Drac Bretagne), la fouille préventive intégrale de ce couvent des Jacobins construit en 1369. D’obédience dominicaine, il était l’un des lieux d’inhumation de prédilection de l’aristocratie parlementaire rennaise et de la bonne société en général.
Rozenn Colleter, Daniel Pichot et Éric Crubézy ont dirigé cet ouvrage qui se présente comme une synthèse des résultats des recherches menées grâce au concours d’une quarantaine de chercheurs. Quatre thèmes dominent : la société rennaise, les religions, la mort et une remise en perspective de la découverte.
Louise de Quengo et la société rennaise
Comme en témoignent ses alliances familiales et ses possessions découvertes dans les archives, Louise de Quengo, dame de Bréfeillac, suivait les us et coutumes de la noblesse bretonne. Rennaise par ses origines, elle ne réside à Rennes qu’épisodiquement, mais pour sa dernière demeure elle choisit le couvent des dominicains, lieu d’un pèlerinage local fort connu, qui par sa situation urbaine, sa congrégation et son pèlerinage est à cette époque un des lieux de repos des défunts des familles les plus en vue. Par ses choix, son parcours, son alimentation, Louise de Quengo nous parle de façon posthume de la société rennaise et bretonne.
Rites, croyances et funérailles multiples à l’époque moderne
Pour son enterrement, Louise de Quengo avait été habillée comme une religieuse. Or elle n’en était pas une, et si cette pratique était signalée, elle s’écartait de celle de bien des gens du commun. Les vêtements exceptionnellement bien conservés, les données archéologiques et historiques ont permis d’éclairer cette pratique funéraire qui nous dévoile le portrait d’une femme dévote intégrée dans les rites et croyances de ses contemporains de la noblesse.
Grâce à la conservation de son corps, c’est la pratique des funérailles multiples qui peut être interprétée. L’étude du corps et des coeurs humains démontre le savoir-faire des praticiens ; celle des plantes reconstitue les recettes utilisées par les embaumeurs. L’association de l’archéologie, de l’histoire, de l’anthropologie, de la médecine légale et de la paléobotanique livre des clés de lecture de ces funérailles si particulières. Loin de la seule volonté de conserver un corps, l’embaumement apparaît ici comme une réponse technique à la dispersion des corps dans plusieurs endroits, ce qui multipliait les lieux de mémoire et de prière. La dimension religieuse et romanesque de l’échange des coeurs entre les deux époux est pour la première fois mise en avant grâce à ces approches pluridisciplinaires. Louise apparaît alors comme une veuve dévote, fidèle à son lignage et libre de ses derniers choix.
Louise de Quengo, ses contemporains et son avenir patrimonial
Cette publication sur Louise de Quengo permet de présenter et de réinterpréter quelques cas analogues qui l’ont précédée ou suivie. Sans être identiques, les pratiques se retrouvent et s’inspirent visiblement des mêmes principes propres à la haute société : embaumement, funérailles multiples, dévotion.
Une réflexion sur la pratique, le droit et l’éthique de l’archéologie funéraire moderne est aussi menée. La famille a fait procéder à une réinhumation de ses restes à Tonquédec, mais il demeure ce qui a été découvert dans la tombe, dont les vêtements et chaussures. La question de la muséologie et de la patrimonialisation de ces objets, mais aussi du souvenir de Louise, sont alors évoqués.
L’ouvrage se termine par une réflexion sur le phénomène médiatique qui a accompagné la découverte du cercueil et qui a dépassé de très loin les réactions habituelles. Le retentissement a été national mais il s’est étendu bien au-delà de nos frontières.
368 pages
22 x 28 cm
ISBN 978-2-7535-8233-0
Prix : 35 €
Un ouvrage relié contenant 205 illustrations en couleurs.
Parution le 28 octobre 2021
Plus d'informations
Rozenn Colleter est archéo-anthropologue à l’Inrap, docteure en anthropobiologie rattachée au Centre d’anthropobiologie et de génomique de Toulouse (CNRS/Toulouse III). De la fouille au laboratoire, elle étudie les pratiques funéraires et la biologie des populations inhumées dans le Grand Ouest de la France.
Daniel Pichot est professeur émérite d’histoire du Moyen Âge à l’université Rennes 2, associé à l’unité de recherche Tempora, président honoraire de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, historien du monde rural et de Rennes, soucieux d’associer archéologie et histoire.
Éric Crubézy est professeur d’anthropobiologie à l’université Toulouse III Paul-Sabatier, membre du Centre d’anthropobiologie et de génomique de Toulouse (CNRS/Toulouse III). Il est spécialiste de l’étude des ensembles funéraires et de l’histoire de la mort.