A Saint-Just-en-Chaussée, Oise, la recherche picarde a été pionnière en dévoilant dès les années 1970 l'existence de lieux de culte gaulois antérieurs à la Conquête.

Dernière modification
09 novembre 2022

Les fouilles conduites à Saint-Just-en-Chaussée  (Oise) permettent d'analyser l'évolution d'un important sanctuaire avant et après la guerre des Gaules.
Préalablement à un aménagement immobilier de l'Opac de l'Oise, une fouille archéologique a été conduite à cet emplacement sur plus de 2 ha. Elle a révélé une partie des vestiges de cet imposant lieu de culte de la tribu des Bellovaques.

Un complexe cultuel pérenne

Édifié sur un point haut du paysage, sur son versant nord, dominant et visible de toute la campagne environnante, un important sanctuaire a été édifié au cours du second âge du Fer (450 à 50 avant notre ère) sur l'actuelle commune de Saint-Just-en-Chaussée.
 
Un fossé large et profond atteste le caractère ostentatoire de ce site. Ce creusement monumental délimite une très vaste enceinte que l'emprise de la fouille n'a pas permis de percevoir dans son intégralité mais dont la superficie s'étend sur plusieurs hectares. Le creusement d'un tel ouvrage a sans doute nécessité une élaboration à partir de plans prédéfinis et le recours à une main-d'oeuvre abondante. Ce vaste espace est subdivisé en plusieurs secteurs marqués par des fossés. Des fondations de bâtiments, des caves et des puits complètent les aménagements nécessaires à la vie des habitants et des officiants des cultes.

Le creusement du fossé de la première enceinte a produit des remblais qui ont très certainement été utilisés pour élaborer un talus. Derrière ce rempart, séparant l'espace sacré de l'espace profane, des pratiques cultuelles se sont tenues pendant plusieurs siècles. Les mobiliers découverts attestent en effet une durée d'occupation qui court, en l'état actuel des connaissances, du Ier siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère.

Des dépôts et des rituels

Ce qui différencie ce site des sanctuaires actuellement connus en Gaule Belgique est la nature des dépôts et leur répartition spatiale, attestant de pratiques cultuelles. Dans le premier pourpris, un grand nombre de restes d'animaux a été déposé. Porcs, chevaux, boeufs, moutons et chèvres ont fait l'objet de sacrifice et/ou d'une consommation collective lors d'un banquet avant d'être déposés dans le fossé. Dans un autre tronçon de fossé, on peut observer une véritable mise en scène : des vases supportent ou sont alternés avec des quartiers de viande. Un peu plus loin, les fossés d'un autre enclos sont ponctués d'un grand nombre de dépôts d'objets métalliques qui caractérisent une autre forme de rituel. Parmi ce mobilier se distinguent des pièces en fer, de forme jusqu'alors inconnue, qui étaient apposées sur des boucliers. Des casques, quelques armes et des plaques de fer ouvragées, dont l'usage nous échappe encore, complètent cette panoplie qui peut être rattachée à des guerriers. Des biens précieux en fer ou en bronze, comme des monnaies et des fibules, ont aussi été découverts en quantité. Enfin, il semble que les humains aient aussi fait l'objet de traitements particuliers. Des ossements isolés comme des fémurs et des fragments de crânes ont été découverts ponctuellement dans les fossés et des « inhumés assis » témoignent de rites singuliers en ces lieux.

Les individus inhumés assis de Saint-Just-en-Chaussée

Le diagnostic avait révélé la présence d'un individu inhumé assis ; la fouille en a livré sept autres, ainsi qu'une fosse contenant les restes très fragmentés de trois individus au minimum. Les états de conservation sont assez variables et toutes les inhumations ont subi une érosion aussi bien naturelle que mécanique. Les individus ont été placés dans des fosses plus ou moins rondes, presque tous adossés contre la paroi. Six d'entre eux ont le membre inférieur droit replié, voire contraint, sur le fond de la fosse, le membre inférieur gauche fléchi reposant sur la paroi, le membre supérieur gauche disposé latéralement au membre inférieur gauche et le membre supérieur droit reposant sur le membre inférieur droit. Pour les deux individus restant, la position est similaire mais inversée. Les observations taphonomiques  indiquent que les inhumés se sont décomposés alors que la fosse n'était pas comblée. Par ailleurs, l'humérus droit d'un des individus a été prélevé sans que cela n'affecte le reste du corps. Il n'y a aucun crâne. Ceci peut être imputé à l'érosion ou à des prélèvements alors que les corps étaient dans les fosses. Certains indices, comme la présence de dents, attestent que les crânes se sont décomposés avec les corps. Cela confirmerait l'hypothèse du prélèvement des crânes. Aucun mobilier n'a été découvert et des datations au carbone 14 ont été engagées pour chacun des individus. Disposés en ligne, les corps orientés vers le nord-est, ces individus ont été placés au nord-ouest du sanctuaire de Saint-Just-en-Chaussée, non loin des « fosses à banquet ».