À Paris, rue Henry-Farman, la fouille a porté sur une emprise d'environ 5 000 m².

Dernière modification
31 août 2017

Elle a d'abord concerné un niveau de fréquentation protohistorique (Néolithique final-Bronze ancien), fouillé pendant un mois et demi. Un second décapage a été réalisé sur un niveau d'occupation mésolithique (9000-5000 av. J.-C.), fouillé finement à la truelle avec cotation des pièces en 3D. Ces découvertes s'inscrivent dans la suite des fouilles réalisées en 1995-1996 par Luc Watrin et Stephan Gaillard (Afan) sur le terrain avoisinant (Héliport de Paris, siège de la DGAC).


Les bords de Seine à Paris : un environnement favorable à l'implantation et à la conservation

Ce gisement se situe à l'ouest de Paris, au coeur de la plaine alluviale de la Seine, en rive gauche. Le fleuve, aujourd'hui à 250 m au nord du site, a pu emprunter à l'époque mésolithique un ancien bras plus proche du site. Un suivi géomorphologique a été assuré afin de reconstituer l'évolution paléoenvironnementale de la vallée de la Seine entre la fin de la dernière glaciation et le début de l'actuel interglaciaire Holocène (réchauffement), il y a 10 000 ans. La proximité de la rivière a permis la bonne conservation des niveaux archéologiques recouverts par plusieurs générations de limons de débordements de la Seine, ainsi que par 2 m de remblais modernes mis en place au XIX-XXe siècle. Ce type d'implantation correspond à un choix stratégique puisque les populations, qu'elles soient nomades ou sédentaires, y trouvent de quoi s'approvisionner en eau, en nourriture et en matière première.

Les derniers chasseurs-cueilleurs du Mésolithique

La principale occupation du site concerne la période Mésolithique (9000-5000 avant J.-C.) qui caractérise les derniers chasseurs-cueilleurs nomades issus du Paléolithique supérieur, avant la révolution Néolithique. Les groupes mésolithiques font suite au réchauffement Holocène qui provoque, outre une modification des lignes de rivage et des systèmes fluviatiles, une évolution du paysage végétal (apparition de forêts : pins, noisetiers, ormes, chênes) et de la faune (apparition d'espèces peu grégaires : sanglier, cerf, chevreuil, aurochs). Ces changements environnementaux coïncident avec une mutation dans les techniques de chasse. On voit notamment une intensification de l'utilisation de l'arc, bien adapté à une végétation plus dense. Cette technique de chasse, apparue vraisemblablement il y a 12 000 ans, a nécessité la confection d'armatures microlithiques, caractéristiques des industries mésolithiques.

Le site de la rue Farman, à Paris, apparait comme une découverte majeure car c'est la première fois qu'un gisement de chasseurs-cueilleurs est mis au jour et fouillé sur les bords de Seine à Paris. Son étude va donc permettre d'une part d'établir un cadre chronoculturel pour le Mésolithique d'Île-de-France, très mal connu jusqu'à présent (il s'agit seulement du deuxième site mésolithique fouillé dans cette région en 15 ans, le premier étant Rueil-Malmaison, Les Closeaux) ; d'autre part, d'améliorer nos connaissances sur l'aspect socio-économique de ces populations.

Il y a 9 000 ans sur les bords de Seine à Paris : des haltes de chasse de chasseurs-cueilleurs nomades

L'occupation mésolithique de la rue Farman correspond à plusieurs haltes de chasse temporaires établies par des groupes apparemment distincts. Ces haltes se matérialisent par la présence conjointe de silex taillés et de fragments d'os d'animaux. L'absence de structure d'habitat (trou de poteau, calage, foyer aménagé), ainsi que la faible densité de pièces pour certaines unités, plaident en faveur d'occupations de courte durée (quelques jours). À la suite du décapage à la pelle mécanique sur le niveau mésolithique, matérialisé par l'apparition de silex épars, des sondages par m² ont été réalisés et ont permis de circonscrire plusieurs concentrations de vestiges dont quatre ont pu être fouillées manuellement. Ces concentrations se caractérisent par une répartition diffuse de l'ensemble des vestiges (absence d'amas), caractéristique des sites mésolithiques. Si différents processus de bioturbation des sols (racines et animaux fouisseurs) peuvent expliquer en partie cette dispersion, d'autres hypothèses peuvent être envisagées (organisation particulière des activités de taille, présence de sols en matériaux périssables). Les silex taillés correspondent pour la plupart à des déchets de fabrication d'armatures de flèches microlithiques. Parallèlement, d'autres outils témoignent de la réalisation, probablement sur place, d'activités liés au traitement du gibier. En effet, plusieurs grattoirs et lames ou éclats retouchés ont pu servir à des travaux de grattage des peaux et de boucherie. Pour l'heure, seule la typologie des armatures en silex nous permet de situer ces différentes occupations probablement entre la fin de la phase ancienne et la phase moyenne du Mésolithique, soit entre 8200 et 7500 avant J.-C. (transition entre les chronozones du Préboréal et du Boréal). La réalisation de datations radiométriques sur os permettra de confirmer ou non cette première interprétation et de savoir si les différentes concentrations sont subcontemporaines ou diachroniques.

Plusieurs concentrations se caractérisent également par la présence d'outils prismatiques en grès quartzite. Il s'agit d'outils allongés à face plane, de section triangulaire ou trapézoïdale dont la fonction est encore inconnue (façonnage des hampes de flèches, d'arc, taille du silex...). Si pour la fabrication des pointes de flèche, l'approvisionnement en silex se fait sur place, le grès quartzite, lui, a été importé de plusieurs kilomètres (au plus près Meudon ou Clamart). La présence d'éclats et d'esquilles, et d'un bloc préformé, permet d'envisager une fabrication ou un raffûtage sur place de ces objets. On connait des ateliers de fabrication de ces outils caractéristiques du Mésolithique du Bassin parisien, en forêt de Montmorency, Rambouillet, Fontainebleau. Mais c'est seulement la deuxième fois que leur présence est attestée dans un contexte stratigraphique et archéologique bien défini.

Bien plus tard...

Après l'occupation mésolithique, plusieurs vestiges (céramique, os d'animaux, fragments de haches polies) témoignent de la fréquentation du site au Néolithique moyen (4200-3500 avant J.-C.), Néolithique final-Bronze ancien (3500-1500 avant J.-C.) et au premier âge du Fer (800-500 avant J.-C.). Ces niveaux de fréquentation sont liés à la réalisation d'activités (agriculture, pêche, défrichements...) pratiquées en périphérie d'habitations situées non loin du site. La période Néolithique final-Bronze ancien se distingue par un niveau d'essartage et par un bâtiment incomplet sur poteaux. Enfin, le niveau daté du premier âge du Fer (Halstatt) a livré plusieurs tessons de vases caractéristiques dont un fragment de jatte à bord festonné.