Sa ki fèt, fèt. Buttes de Guyane, un patrimoine à haut risque

Le littoral des Guyanes constitue un paysage dynamique particulier sujet aux forces puissantes de la nature, mais aussi en partie modelé par les humains depuis des millénaires. Il faut savoir qu’un vent de renouveau scientifique a révolutionné l’archéologie amazonienne depuis une trentaine d’années grâce à l’approche par l’écologie historique. Celle-ci n’observe pas un simple instantané de l’environnement, mais l’évolution à long terme du milieu grâce à une collaboration et une interaction fine entre différentes disciplines, au premier titre desquelles l’archéologie. Affranchie des préjugés de déterminisme environnemental, la recherche évalue de manière plus objective le paysage tropical et surtout l’impact des humains sur son milieu. De nombreux paysages que l’on considère aujourd’hui comme méritant la préservation ont été façonnés en partie par des actions humaines passées. On s’est ainsi rendu compte de la vitalité et de l’inventivité des populations précolombiennes. Dès lors, le capital « naturel » n’est pas strictement biologique par nature, mais bien bioculturel. La valeur conférée à certains paysages hybrides les élève à un statut comparable à celui d’un monument culturel/naturel. C’est par exemple le cas des milliers de champs surélevés précolombiens disséminés dans les savanes inondables du littoral des Guyanes. Ces petites buttes témoignent d’une gestion raisonnée de ce milieu amphibie par les premiers habitants des lieux. D’autres terrassements coloniaux ont depuis affecté, voire effacé, certains aspects de la plaine côtière. Cet héritage patrimonial est hélas souvent ignoré des populations actuelles, tout en étant victime de menaces anthropiques diverses dont les effets s’accélèrent toujours plus. Il est temps d’admettre qu’aujourd’hui la nature a des droits, tandis que l’homme a dorénavant des devoirs.