À l'occasion du chantier du tramway, un pan de l'histoire de Nice est mis au jour. Le premier pont du Paillon et les anciennes fortifications de la porte Pairolière sont en cours de fouille, en plein coeur de la ville.

Dernière modification
10 mai 2016

Un projet global de recherches archéologiques a été mis en oeuvre à l'occasion du chantier du tramway de Nice : une étude documentaire préalable, un diagnostic archéologique destiné à repérer les vestiges présents sur le tracé et la fouille archéologique de ces derniers. 

L'étude documentaire a permis de faire le point sur les connaissances archéologiques de Nice, de mieux comprendre l'évolution du paysage depuis la Préhistoire et d'amorcer une étude topographique d'après les archives. Sur cette base, une campagne de douze carottages géomorphologiques dans la vallée Saint-Barthélémy et dans celle du Paillon a été réalisée. En complément des tranchées mécaniques dans l'emprise du boulevard Jean-Jaurès, et dans la partie du tracé jouxtant le Vieux-Nice, ont permis de retrouver les vestiges de la fortification et l'ancien pont traversant le Paillon. Les vestiges les plus importants sont apparus au niveau de l'escalier de la rue du Pont-Vieux (vestiges de l'ancien pont) et entre le square Toja et la place Garibaldi (vestiges de la fortification médiévale et moderne).

Au vu de l'importance de ces découvertes, le Préfet de Région a pris des arrêtés de fouille sur ces deux emplacements, sur une profondeur totale de 6 m. Ces fouilles sont réalisées par une équipe de l'Inrap, sous la direction de Marc Bouiron, archéologue de la Ville de Nice.

Entre Savoie et Provence : Nice au fil des siècles

Le premier pont de Nice

Bien que de nos jours le Paillon ait pratiquement complètement disparu du paysage urbain, ce fleuve a été pendant longtemps une source de préoccupation pour les Niçois. En effet son régime torrentiel a causé de nombreux débordements, parfois violents, qui ont exhaussé au fil des siècles la rive longeant la Ville. Le pont Saint-Antoine, également appelé Pont-Vieux, a constitué le seul ouvrage de franchissement du fleuve du Moyen Âge au début du XIXe siècle.

Mentionné depuis 1250 par les textes d'archives, le Pont du Paillon est signalé en pierre au début du siècle suivant. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle un faubourg se développe sur la rive orientale du fleuve, preuve de l'attractivité de cette zone au débouché du pont. Un hôpital Saint-Antoine y prend place et donne son nom au faubourg puis au pont. Côté ville, l'accès au pont est barré par une porte fortifiée, que l'on ferme et que l'on garde dans les périodes d'instabilité. Une tour surmonte cette porte ; on la voit représentée sur les illustrations des XVIe siècle et XVIIe siècle.

Des crues importantes sont signalées dans le courant du XVIe siècle ; elles occasionnent des destructions au pont en 1530 et 1565, suivies de reconstructions attestées par des inscriptions. Par ailleurs le siège de Nice en 1543 par les Français et les Turcs entraîne la destruction de deux arches, reconstruites en 1545. Les éléments découverts lors du diagnostic archéologique, comme les documents et les photographies anciennes, nous restituent des piles maçonnées en moyen appareil et des arches de briques. Il est probable que ces parties du pont, refaites, datent du XVIe siècle.

L'objectif de la fouille sera de retrouver la base du pont afin d'en dater la construction première et de vérifier la présence d'un premier pont de bois. La fouille de l'actuel escalier de la rue du Pont-Vieux donnera le lien entre le pont et la fortification et permettra peut-être d'apporter des éléments de réponse sur l'origine de l'enceinte dans la ville basse de Nice.

La fortification autour de la porte Pairolière

Des trois portes qui permettaient de sortir de Nice, la plus importante était celle au nord-ouest de la ville, au débouché de la route menant à Turin. Connue dès le début du XIVe siècle sous le nom de porte Saint-Augustin (du nom d'un couvent situé immédiatement à l'extérieur de la ville) puis Porte Pairolière, cette porte est signalée au cours du siècle suivant lors de travaux d'aménagement défensifs (creusement d'un fossé, réalisation d'un pont-levis, ...). Hors les murs, des édifices religieux (couvent Saint-Augustin puis chapelle Saint-Sébastien) sont signalés par les textes d'archives. Nous connaissons assez mal la configuration de la porte à l'époque médiévale, avant la construction du bastion Saint-Sébastien qui vient la renforcer au XVIe siècle. Toutefois une vue de détail d'un tableau de Louis Bréa semble en donner la représentation en 1516 : une porte surmontée d'un corps de garde jouxte une tour circulaire ; l'ensemble est longé par un fossé que franchit un pont-levis.

Dans la première moitié du XVIe siècle, les progrès de l'artillerie nécessitent de renforcer la fortification de la ville. La porte est alors protégée par un bastion qui prend le nom de la chapelle Saint-Sébastien voisine. Visible sur tous les documents iconographiques de l'époque, cet ouvrage fortifié, en forme d'as de pique, empiète sur le lit du Paillon et domine la nouvelle porte Pairolière. C'est sur ce bastion que Catherine Ségurane défendit Nice contre les troupes franco-turques en 1543. Ayant probablement souffert du siège, le bastion a dû être au moins partiellement reconstruit ensuite.

Nous n'avons pas de traces de réfection de cette partie de l'enceinte avant la fin du XVIIe siècle, lorsque l'on décide de doubler la face nord de la ville d'un fossé. Une demi-lune, située au-delà du fossé et protégeant le débouché de la porte Pairolière, est le dernier ouvrage fortifié. En 1706, après avoir pris Nice et son château pour la deuxième fois en moins de vingt ans, Louis XIV décide le démantèlement total de la fortification et du château.

C'est une nouvelle histoire du site qui commence. L'entreprise de démolition a surtout concerné les bastions. La différence de niveau entre la ville et l'espace en contrebas, anciennement hors les murs, a posé problème pendant plus d'un demi-siècle. A partir de 1782 est mis en oeuvre le projet de place Royale (piazza Vittoria) qui devient le point central de l'articulation entre la vieille ville et la nouvelle zone du port. Ainsi se crée la place Garibaldi, après des travaux considérables d'exhaussement et de remblaiement partiel du lit du Paillon.

Les fouilles

Les deux fouilles sont de forme et de dimensions très différentes : celle du Pont-Vieux en forme de croix, fait environ 230 m² ; la seconde fouille, de 1800 m², est dans l'emprise du boulevard Jean-Jaurès et s'élargit vers le nord au débouché de la place Garibaldi.

Pour l'une comme pour l'autre, un soutènement est nécessaire afin de permettre une fouille jusqu'à 6 m de profondeur. Ainsi sur le Pont-Vieux, une paroi de type « berlinoise » sera réalisée (poutres métalliques mises en préalable et blindage descendu au fur et à mesure de la fouille). Un groupement d'entreprises (Cari, TP Spada et Presspali France) a été choisi pour réaliser ces soutènements et mettre en oeuvre les moyens techniques des deux fouilles (engins de terrassement, évacuation des terres, ...).

L'ampleur de la fouille Toja-Garibaldi impliquait un traitement particulier. La nature des vestiges (fortification « monumentale » particulièrement bien préservée) et la nécessité de minimiser la durée de la fouille ont conduit à privilégier la solution d'une « boîte » limitée par des « parois moulées ». Après une fouille de quatre mois à l'air libre, la création d'une dalle en surface puis la réalisation de la plate-forme du tramway permettront la mise en service du transport en site propre, tout en continuant les interventions archéologiques en sous oeuvre. A terme, les vestiges ainsi conservés pourront être restaurés et mis en valeur.

Les partenaires

Maîtres d'ouvrage : Communauté d'agglomération Nice Côte d'Azur (CANCA)
http://www.agglo-nice.fr/agglo-nice-336.htm

Prescription et contrôle scientifique : Ministère de la Culture et de la Communication, Service Régional de l'Archéologie (DRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur)

Directeur scientifique de l'opération : Marc Bouiron (CANCA)

Réalisation des diagnostics et des fouilles archéologiques : Inrap