Plusieurs fouilles de l'Inrap ont permis d'appréhender le passé du village de Sevrey et de documenter de manière globale son activité de potiers du Moyen Âge à la période moderne, de l’extraction de l’argile à la diffusion des céramiques.

Dernière modification
28 mars 2023

À l’automne 2022 et l’hiver 2023, les archéologues de l’Inrap ont conduit sur prescription de l’État (DRAC Bourgogne-Franche-Comté) trois fouilles sur la commune de Sevrey, au sud de Chalon-sur-Saône. Ces opérations viennent compléter un ensemble de données déjà considérable, les premières recherches archéologiques ayant démarré au début des années 1970.

Évocation du village de potiers de Sevrey (Saône-et-Loire) à l'époque médiévale.
Évocation du village de potiers de Sevrey (Saône-et-Loire) à l'époque médiévale.
© François Gaucher, Inrap


Un quartier carolingien

La fouille menée rue Robert Brusson, en amont de la construction d’un pavillon individuel sur une parcelle de 415 m2, se situe au cœur d’un quartier carolingien connu grâce à des prospections menées dans les années 1970.  Un niveau de remblai atteste une occupation du site dès la période mérovingienne, aux VIe – VIIe siècles. Trois fossés structurent un quartier d’habitat et se traduisent sur le terrain par des fosses et des trous de poteau formant nettement au moins un bâtiment. L’un de ces fossés perdurera jusqu’à l’époque contemporaine. Cinq fosses liées probablement à des activités artisanales sont groupées dans un secteur du site. Elles pourraient s’apparenter à des fosses de travail de l’argile. Un aménagement linéaire étroit évoque possiblement la gestion de l’eau et son évacuation hors de la parcelle.

Le remplissage très cendreux de creusement ainsi que la présence de quelques éléments de parois de fours dans le comblement de deux fosses rappellent le lien de ce site avec la parcelle fouillée immédiatement de l’autre côté de la rue actuelle au début des années 2000 au lieu-dit « Les Tupiniers ». Celle-ci avait livré un four associé à la production de service bistre et cinq autres liés à la production du service gris. L’étude céramique de ce site va permettre de définir un nouveau groupe technique appelé provisoirement « SEV-Grise dégraissée ».

Cruche des Xe-XIe siècles mise au jour rue Robert Brusson à Sevrey (Saône-et-Loire).
Cruche des Xe-XIe siècles mise au jour rue Robert Brusson à Sevrey (Saône-et-Loire).
© Christophe Fouquin, Inrap
Aménagement : Particulier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Bérangère Guéguan-Gaillard


La longue histoire d’une parcelle au cœur du village

La fouille de la rue Sénateur Gillot, réalisée en amont de la construction d‘un pavillon par un particulier, s’inscrit, elle, dans le nord-est du village, secteur jusqu’ici peu exploré par l’archéologie préventive. Les découvertes montrent que le terrain est occupé depuis le Haut-Empire romain jusqu’à nos jours, avec toutefois un hiatus entre la fin du VIIIe et le début du XIIe siècle. Plusieurs fosses et trous de poteau caractérisent l’occupation mérovingienne (VIe-VIIe siècles) et livrent un mobilier abondant. De fait, les ateliers de potiers produisant le service dit bistre tournent alors à plein régime, diffusant cette céramique jusque dans le sud de la Gaule, sur les rives de la Méditerranée.

La découverte la plus remarquable est un dépotoir de rebuts de cuisson d’un atelier fonctionnant au XIIe ou au XIIIe siècle. Plusieurs centaines de kilos de céramique ont été rejetées dans une fosse servant sans doute initialement à la décantation de l’argile. Pots, cruches et pichets constituent les principales formes produites. L’étude de ces vases permettra de compléter avec précision la typologie des productions de Sevrey au Moyen Âge.

Enfin, l’opération a également permis de récolter une remarquable quantité de céramiques des temps modernes (XVIe-XVIIIe siècles), période d’activité des potiers de Sevrey jusqu’ici largement méconnue. Les archéologues vont donc pouvoir en savoir plus sur l’artisanat de la poterie dans le village à une période où les textes anciens apportent de nombreux enseignements.

Détail du décor d'un fragment d'assiette d'époque moderne découvert rue Sénateur Gillot à Sevrey (Saône-et-Loire).
Détail du décor d'un fragment d'assiette d'époque moderne découvert rue Sénateur Gillot à Sevrey (Saône-et-Loire).
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Aménagement : Particulier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche Archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Antoine Guicheteau


L’argile, « or » de Sevrey

La question de l’extraction de l’argile est centrale dans l’étude des sites potiers. Les archéologues ont pu, à l’occasion de la restructuration du Centre hospitalier de Sevrey, étudier une parcelle située à près de 1,5 km au sud-ouest du village. Le terrain se situe au cœur d’une zone d’extraction de l’argile de plusieurs dizaines d’hectares, connue par des textes et plans anciens ainsi que par quelques reconnaissances archéologiques (prospections et diagnostics).

Marmite à anses coudées du XVIe siècle au cours de la fouille du CHS à Sevrey (Saône-et-Loire).
Marmite à anses coudées du XVIe siècle au cours de la fouille du CHS à Sevrey (Saône-et-Loire).
© Gaëlle Pertuisot, Inrap

La fouille a permis d’identifier le banc d’argile exploité par les potiers. L’épaisseur de la couche en question est d’environ un mètre et a probablement été formée par des dépôts lacustres remontant à plusieurs centaines de milliers d’années. La qualité de l’argile est évidente, comme le confirme une expérimentation, et explique l’intérêt des potiers pour cette strate. L’abondance de ce matériau, disponible sur plusieurs centaines d’hectares, et ses propriétés intrinsèques pourraient expliquer l’implantation d’un village de potiers dès la fin du Ve ou au début du VIe siècle ainsi que la longévité de cet artisanat sur la commune, qui a perduré jusqu’au XIXe siècle.

L’extraction nécessite de dégager une couche de sable roux recouvrant l’argile. Elle s’effectue par le creusement de vastes fosses circulaires de plusieurs mètres de diamètre. La densité est très importante, les potiers cherchant manifestement à exploiter au maximum le banc d’argile. La présence de vases de la période moderne rejetés dans les fosses d’extraction questionne. Leur étude permettra peut-être de mieux comprendre la nature de ces dépôts.

À terme, les analyses visant à caractériser le matériau naturel contribueront à enrichir notre connaissance de la chaine opératoire de préparation des argiles pour la fabrication des pots.

Aménagement : Centre hospitalier de Sevrey
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Antoine Guicheteau


Étudier Sevrey ou compléter un puzzle pièce après pièce

Ces opérations limitées dans le temps et l’espace démontrent une nouvelle fois tout l’intérêt d’un suivi systématique des aménagements en archéologie préventive. Elles s’attachent à appréhender le passé de ce village de potiers de manière globale, de l’extraction de l’argile à la diffusion des céramiques. Parcelle après parcelle, c’est la topographie du centre potier qui se révèle et nous permet, via l’étude d’abondants lots de poteries, de préciser la typo-chronologie des vases de Sevrey.

Tournage expérimental à partir de l'argile prélevé à Sevrey au centre Inrap de Dijon (Côte-d'Or).
Tournage expérimental à partir de l'argile prélevé à Sevrey au centre Inrap de Dijon (Côte-d'Or).
© Gaëlle Pertuisot, Inrap