À Troyes, Aube, deux aires de recherches ont pu être ouvertes sur les 4 000 m² du terrain.

Chronique de site
Dernière modification
12 février 2018

La première située dans l'angle sud-ouest du site (rue Jaillard/rue de l'Isle) a révélé la présence d'un système de soutènement de berges, en bois, afférent au canal de l'Isle dont le tracé suit l'orientation de la rue du même nom.

Cet aménagement se compose de pieux en bois de section carrée enfoncés dans les limons de la rive à intervalle régulier. Des superpositions de planches viennent s'insérer entre ces pieux évitant ainsi aux limons de verser dans le canal. Le manque de données mobilières dans ce secteur ne permet pas d'en donner une datation précise. Cependant, il semblerait que ces structures doivent être rapprochées des constructions décrites ci-dessous et correspondant au XIXe siècle.

La seconde zone de travail comprend l'ensemble de la partie est du terrain. Elle permet de mettre au jour le point de jonction entre les canaux de l'Isle et de Jaillard ainsi que l'îlot Cuchot formé par ces deux bras. À cet endroit, on remarque une superposition nette des vestiges offrant ainsi une compréhension chronologique très large, s'étalent de l'époque médiévale jusqu'à la fin du XIXe siècle.
 

Les vestiges du XIXe siècle

Au centre de la zone apparaissent deux murs en pierre, fondés sur pieux en bois et formant une pointe. C'est à partir de cet endroit que se séparent les deux canaux, l'un (canal de l'Isle) courant se jeter dans le canal de la Seine (Mail des Charmilles), l'autre (canal de Jaillard) se dirigeant vers le nord-est et bifurquant ensuite vers l'église Saint-Nizier. Le canal de l'Isle comprend deux types d'aménagements. Côté nord, un mur de quai en pierre, côté sud une berge aménagée de pieux et de planches en bois, identique à celle découverte dans la première aire de travail. De part et d'autre de ce canal se trouvent quatre piles de pont à corbeaux permettant l'accès de la rue de l'Isle à la presqu'île. Le canal de Jaillard suit sensiblement la même organisation que le canal de l'Isle avec un quai en pierre sur sa face sud et un quai en bois sur sa face nord. Sur la rive nord a également été découverte une construction pouvant être associée à l'abattoir (ou tuerie selon la terminologie médiévale). La nature des différents murs ainsi que leur organisation témoignent de réfections et d'agrandissements successifs. Cet agencement permet de comprendre l'évolution de l'abattoir depuis sa création en 1426 jusqu'à son abandon en 1858.

Les vestiges des XVe-XVIIe siècles

Au centre de l'îlot Cuchot, sont apparues plusieurs structures étroitement imbriquées les unes dans les autres. Une succession de murs, de sols en carrelages ou tomettes posés sur des assises en craie pilée, forment plusieurs pièces dans lesquelles s'insèrent également des fours, des cheminées et d'autres installations domestiques. Cet ensemble d'habitats n'a révélé que peu de mobilier en céramique ou en verre, ustensiles de la vie quotidienne pourtant fréquemment retrouvés dans ce type d'aménagement. En contrepartie, la découverte d'une grande quantité de petits objets métalliques et de monnaies permet de placer ces habitations entre le XVe et le XVIIe siècle. Sur l'île aussi, le manque d'espace a contraint les habitants à toujours reconstruire au même endroit, s'appuyant sur les constructions les plus anciennes. C'est pourquoi l'échelonnement chronologique d'une structure à l'autre est aussi vaste. La poursuite de la fouille vers les niveaux les plus profonds permettra d'appréhender la nature et l'époque de la première occupation.

Les vestiges médiévaux

Toujours sur l'îlot Cuchot, des murs d'un appareil différent des autres, plus étroits, formés de petits moellons de craie liés à la terre et suivant une orientation légèrement décalée par rapport aux murs modernes, laissent présager une appartenance aux époques médiévales. De même, aux abords internes des murs de canaux XIXe, un sondage profond d'environ 3 m a livré une succession de pieux en bois formant une sorte de pointe. Deux autres sondages profonds, sur les flancs sud et est de l'île, ont également fait apparaître des pieux médiévaux mais aussi de nouvelles structures composées de fosses cuvelées en bois comportant pour certaines des ossements animaux débités et sélectionnés.

Les premières hypothèses laissent à penser que ces canaux auraient été implantés aux époques médiévales à des fins d'assèchement de la zone afin de pouvoir agrandir la ville et surtout d'y installer un quartier artisanal. En effet, l'île délimitée par ces tracés aurait accueilli des structures de travail (cuves, abattoir), tandis que l'eau charriée par les canaux permettait d'alimenter ces infrastructures et d'évacuer les déchets. Aux époques modernes, seul l'abattoir persiste et l'île est alors transformée en zone d'habitat, certainement pour répondre à l'essor démographique et au manque de place intra-muros. À partir du XVIIIe, les canaux alors en bois sont maçonnés et réduits pour gagner encore plus d'espace sur l'île.

Jusqu'à aujourd'hui, seule une petite partie des vestiges présents sur cette parcelle a été révélée aux archéologues. La poursuite des travaux permettra de confirmer et d'affiner les hypothèses actuelles et de débusquer les secrets de Troyes encore enfouis.