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Un ensemble funéraire de l’Âge du Fer à Mercin-et-Vaux (Aisne)
À Mercin-et-Vaux, l'Inrap a fouillé partiellement une nécropole occupée de la fin du Ve au IVe siècle avant notre ère. Une communauté villageoise celtique y a inhumé ses morts dont une forte proportion d'hommes et plus particulièrement d’hommes en arme.
Dans l’Aisne, les carrières des vallées de l’Aisne et de la Vesle ont fait l’objet d’un suivi archéologique systématique depuis les années 1970, mais le secteur ouest de Soissons exploité plus anciennement reste mal connu. Dans cette commune, la seule mention d’une occupation gauloise correspond à la découverte d’une sépulture au lieu-dit « La Sablonnière » dans les années 1890. La fouille préventive menée par l’Inrap « Rue du Chemin Vert » sur une superficie de 2 200 m2 a révélé un espace funéraire partiellement perturbé par la guerre 1914/1918.
Une partie de nécropole
Onze sépultures ont été mises au jour, dont deux sont circonscrites dans un enclos, l’un circulaire, l’autre quadrangulaire. Une tranchée et des impacts d’obus datant de la Première Guerre mondiale ont impacté les deux tombes à enclos. L’extrémité de la sépulture à enclos circulaire est perturbée à son extrémité est. La sépulture à enclos quadrangulaire est coupée au niveau de sa paroi nord, le crâne et le côté gauche du corps du défunt arrachés lors du creusement de la tranchée.
À cet ensemble s’ajoute une fosse vierge de tout fragment de squelette, dans laquelle prennent place quelques récipients et deux fibules alignées à l’emplacement supposé d’un corps. Le substrat et le comblement limoneux peu propices à la conservation des os pourraient expliquer la disparition des restes osseux et cette structure pourrait correspondre à une fosse sépulcrale, portant à douze le nombre probable de tombes.
Les fosses sépulcrales sont réparties selon un maillage lâche orienté sur un axe est/ouest et nord-est/sud-ouest, formant des alignements de deux à quatre tombes. Six sépultures situées en bordure de parcelle suggèrent que l’occupation s’étend en dehors de l’emprise investiguée. Les limites spatiales de cette nécropole sont donc indéterminées et cet ensemble devait regrouper un nombre de défunts plus conséquent.
Mercin-et-Vaux « rue du Chemin Vert », plan du site 1/500e
© Topographie Rudy Debiak, Inrap
Population et pratiques funéraires
La pratique de l’inhumation est majoritaire avec un seul individu incinéré. Au second âge du Fer, la présence ponctuelle d’incinérations au sein des nécropoles à inhumation est habituelle. Cette pratique peut être liée au statut du défunt, à ses origines, aux raisons de son décès…
Sur les dix individus inhumés, neuf sont des adultes et le seul enfant a un âge estimé à sept/neuf ans. L’individu incinéré est d’âge et de sexe indéterminé. L’analyse anthropologique a permis d'identifier trois femmes, quatre hommes et quatre individus indéterminés. Parmi ces derniers, la présence d’armes spécifiques aux hommes permet de porter à six le nombre de défunts masculins, et la présence de parures dans la tombe d’enfant à quatre le nombre d’individus féminins. Les onze individus identifiés ne correspondent pas à toute la population de la nécropole de Mercin-et-Vaux, cette dernière s’étendant vraisemblablement plus largement. Toute la population n’est pas représentée, notamment au regard du faible nombre de tombes d’enfants comparé au taux supposé élevé de la mortalité infantile dans ce type de société.
Les défunts inhumés habillés sont systématiquement allongés sur le dos, le long de la paroi nord. A la tête et au sud prennent place de nombreuses offrandes alimentaires et des récipients en céramique. Des pièces de viande (cochon, ovi-capriné et plus rarement bœuf) accompagnent le défunt, ainsi que quelques mobiliers évoquant la vie quotidienne (couteau en fer, fusaïole en terre cuite) ou la toilette (rasoir en fer). Les hommes se distinguent par leur armement (épée, poignard, pointe de lance) et les femmes par leur parure.
A Mercin-et-Vaux, les défunts masculins sont richement dotés avec trois tombes à épée, une à poignard et une à pointe de lance. Les défuntes sont inhumées plus modestement avec un simple bracelet ou une fibule. La seule parure plus complexe est composée d’un torque et d’un bracelet. Portée par une fillette de sept à neuf ans, la taille réduite de cette panoplie met en évidence l’acquisition d’un statut social dès l’enfance. Un homme et une femme sont inhumés sans mobilier distinctif.
Analyses archéologiques et hypothèses
Les douze sépultures mises au jour « rue du Chemin Vert » correspondent à un secteur d’une nécropole dont l’extension, la surface exacte, le nombre d’individus mis en terre ne peuvent être raisonnablement estimés. À partir de la fin du Ve siècle et jusqu’au milieu du IVe siècle avant notre ère, une communauté villageoise celtique y a inhumé ses morts.
La vision partielle de ce cimetière met en évidence dans ce secteur une forte proportion de sépultures masculines et plus particulièrement d’hommes en arme, indice d’un regroupement de ces derniers et d’une possible organisation sexuelle de la nécropole, même si les tombes féminines n’y sont pas exclues. Les caractéristiques présentées ci-dessus mettent en évidence quatre niveaux « hiérarchiques », « statutaire », avec des sépultures à enclos qui correspondent à des hommes portant une épée, des sépultures à armes (de type épée ou poignard) ou à parure annulaire riche (torque et bracelet), des sépultures à armes de type pointe de lance ou à parure « simple » (bracelet ou fibule) et des sépultures plus modestes sans mobilier métallique.
La nécropole de Mercin-et-Vaux, occupée de la fin du Ve au IVe siècle avant notre ère, prend place dans un paysage où de nombreux espaces funéraires sont connus, comme les vastes nécropoles de Bucy-le-Long « la Héronnière », Pernant, Vasseny « Dessus des Groins » ou Chassemy qui perdurent sur trois à cinq générations avant d’être abandonnées, ou des ensembles plus modestes de deux à quinze individus, comme à Crouy. L’analyse des découvertes réalisées sur cette fouille de Mercin-et-Vaux devrait apporter de nouveaux éléments à la compréhension de cette société de l’ouest du Soissonnais.
Contrôle scientifique : SRA Hauts-de-France
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Sophie Desenne, Inrap