La fouille de l’enceinte fortifiée (castrum) d'Autessiodurum du IVe siècle a révélé un espace funéraire antique dédié aux très jeunes enfants et mort-nés. Son très bon état de conservation offre aux archéologues une occasion rarissime d’observer les gestes funéraires destinés à cette population singulière. 

Dernière modification
05 juin 2024

Depuis février 2024, sur prescription de l’État (DRAC Bourgogne–Franche-Comté), les archéologues de l’Inrap mènent des recherches place du Maréchal Leclerc à Auxerre en amont de son réaménagement paysager. Ces premières fouilles dans le centre historique de la ville retracent l’évolution de ce quartier urbain de l’Antiquité romaine jusqu’au XIXe siècle. Parmi les vestiges, l’enceinte fortifiée (castrum) du IVe siècle est le témoin de la refondation de la ville d’Autessiodurum et de son accession au rang de capitale de la nouvelle Cité d’Auxerre. Cette fortification  s’installe ici sur une aire funéraire du Haut-Empire (Ier-IIIe siècle) jusqu’alors inconnue à Auxerre. Si cette nécropole s’inscrit dans les traditions gallo-romaines, elle présente de nombreuses caractéristiques qui la démarquent de ses contemporaines.


 

Une population particulière, des gestes associés 

Suivant les règles antiques, les nécropoles sont implantées en dehors des villes. Sur la périphérie de ces aires funéraires, des espaces peuvent être dédiés aux très jeunes enfants (les mort-nés et individus âgés de quelques mois) dont le taux de mortalité est élevé à cette période. La fouille réalisée à Auxerre explore l’une de ces zones spécifiques. Son très bon état de conservation offre aux archéologues l’occasion d’observer les gestes  destinés à cette population très singulière. De la vaisselle céramique est brisée à proximité des inhumations sur des niveaux de circulation, leur contenu étant destiné aux morts et aux dieux. Afin de protéger ces jeunes défunts, des objets à vocation de protection dans l’au-delà (dits « apotropaïques » ou « prophylactiques ») les accompagnent, tels une perle, une monnaie, une rouelle. Un gobelet en céramique miniature a aussi été déposé à la tête d’un jeune enfant.


 

Des pratiques funéraires variées 

Cette nécropole témoigne d’une grande variété de pratiques sur un même espace funéraire. La majorité des inhumés est en position fœtale bien que certains soient sur le dos. Ce sont les contenants des tout-petits qui montrent le plus de diversité : ils sont disposés dans des tuiles (imbrex), des céramiques, des cercueils de bois, des écorces d’arbre, des coffrages de pierres, des textiles et autres enveloppes souples. Parfois, les corps sont  simplement recouverts de fragments d’amphore pour les protéger. Dans un cas, une pierre gravée d’une rosace est réemployée pour marquer la tombe. Par ailleurs, jusqu’à huit étapes ont été observées lors de l’inhumation de ces très jeunes enfants, preuve de la complexité des gestes funéraires . Ceux-ci n’étaient donc pas rejetés, certaines sépultures témoignant au contraire d’une attention notable.


 

Densité et superposition des tombes 

La très forte densité des sépultures et leur superposition permettent d’étudier un très grand nombre d’inhumations et autres pratiques funéraires associées aux tout-petits durant les Ier-IIIe siècles. Jusqu’à cinq niveaux de tombes ont été observés, ce qui, en l’état de la recherche, est unique dans le monde gallo-romain où l’intégrité de la tombe doit être préservée. À Auxerre pourtant, certaines tombes en détruisent d’autres, ce qui peut être lié à un problème de place disponible mais aussi être en lien avec le statut même de ces très jeunes enfants, pas toujours perçus comme des individus à part entière. La fouille d’Auxerre, comme récemment, celle de Narbonne et d’autres, vient apporter un lot de nouvelles connaissances et de questionnements sur les pratiques funéraires associées aux très jeunes enfants et mort-nés dans l’Antiquité.


Aménagement : Ville d’Auxerre
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Loïc Gaëtan, Inrap
Responsable de secteur, archéo-anthropologue : Carole Fossurier, Inrap