À Lumio, l'Inrap mène un ensemble d’études de bâti et de fouilles archéologiques documentant la construction et l’évolution d'une tour génoise isolée,  la tour de Caldanu, appartenant au système de surveillance de quatre-vingt-dix tours, dites « tours génoises », disposées sur l’ensemble du littoral Corse.

Dernière modification
13 juin 2023

En 2020 une opération de diagnostic avait été réalisée sur la tour de Caldanu, amorçant l’étude de cette construction de la fin du XVIe siècle. Cette étude s’est poursuivie avec la réalisation d’une fouille en septembre 2021, qui devait répondre à plusieurs objectifs : tout d’abord, analyser les vestiges de la construction et en comprendre les techniques ; grâce à la stratigraphie, documenter ensuite l’évolution du lieu et retrouver les traces qui nous renseignent sur la vie quotidienne dans ces tours ; enfin, ces recherches doivent aider à élaborer le projet de restauration et de valorisation de cette tour génoise.

Localisation du site

Le site se situe sur la côte nord-occidentale de la Corse, dans la microrégion de Balagne, délimitée par une longue ouverture sur une façade maritime (depuis l’embouchure de l’Ostriconi) au nord-ouest, à l’est par le massif du Monte Cinto (dont le Monte Grosso constitue le sommet culminant à 1937 m) et au sud par la pointe de la Revelata.

La tour s’élève plus précisément sur la commune de Lumio (2B). Édifiée à l’extrémité d’une pointe rocheuse, cette tour marque l’entrée nord du Golfe de Calvi, faisant le pendant de la citadelle de Calvi qui en marque la limite méridionale. Ce monument est aujourd’hui enregistré sous le numéro 197 de la section B du cadastre.

Contexte historique


Dès le tout début du XVIe siècle, la Corse est soumise aux descentes des flottes turques qui sévissent en Méditerranée. Afin de contrer ces exactions menées dans le Cap Corse puis sur toute l’île, la commune de Gênes – qui exerce sa domination sur l’île entre le XVIe et le XVIIe siècle – met en place un réseau de constructions à partir des années 1530 : les tours littorales. Ce programme de construction s’appuie sur un document définissant les lieux d’implantation de tours : « la distinzione delle tori ».

A l’achèvement de ce programme, en 1620, celles-ci formeront un réseau d’une centaine de tours, dont la grande majorité sont de plan circulaire, et seules quelques-unes – dont la tour de Caldanu – de plan carré.

Jusqu’à peu, nos connaissances sur ces tours génoises provenaient pour l’essentiel de l’important travail de recherche réalisé par A.-M. Graziani, notamment dans les archives de Gênes (Archivo di Stato di Genova, fonds ASG.Corsica). Ces études sont désormais enrichies par de nombreuses opérations archéologiques menées depuis plusieurs années sur les tours littorales dans le cadre du projet de restauration du réseau défensif.

Plusieurs archives écrites et figurées nous renseignent sur le projet de construction de la tour de Caldanu. Celle-ci apparaît en effet sur au moins trois documents figurés, ainsi que dans plusieurs textes, dont le contrat de construction établi le 26 mai 1579.

Plan côté de la tour de Caldanu.

Plan côté de la tour de Caldanu.

© Archives de Gênes

La confrontation des sources archivistiques avec les données archéologiques nous permet d’approfondir notre connaissance de cette tour, dont la construction démarre finalement après 1585 et s’achève probablement à la toute fin du XVIe siècle. Cette démarche nous permet tantôt de valider les écrits et les plans, tantôt au contraire de mesurer l’écart entre le projet et sa réalisation.

Contrat de construction avec plans de la futur tour.

Contrat de construction avec plans de la futur tour.

© Archives de Gênes

Architecture de la tour

Les tours génoises sont construites selon un plan quasi « canonique » qui diverge peu d’une tour à une autre dans ses grandes lignes architecturales. Il s’agit d’un plan tripartite qui se compose d’une base circulaire ou quadrangulaire, contenant la citerne et les réserves de la tour, d’une salle de garde, pour la vie quotidienne des gardiens (que l’on nomme torregiani) et de la plateforme sommitale qui constitue le poste de surveillance et d’alerte.

Le plan quadrangulaire est peu représenté dans le corpus de tours dites « génoises ». C’est pourtant le cas de Caldanu, où il ne reste de la tour que sa base quadrangulaire talutée, ainsi qu’un lambeau de maçonnerie des élévations supérieures encore visible dans l’angle sud-ouest. Quelques éléments caractéristiques des tours sont encore perceptibles, comme les ébrasements d’une porte au sud-est, ainsi qu’un départ d’ouverture lui faisant face sur le mur nord-ouest. Au sud-ouest, intégré dans le mur, on observe le départ d’un escalier qui menait à la plateforme sommitale de la tour.
 

Résultats et valorisation de l’étude archéologique

Menée en 2021 dans la salle basse, la fouille archéologique a permis d’affiner l’analyse architecturale de la construction et de retrouver quelques traces de l’occupation de la tour entre la fin du XVIe siècle et l’époque contemporaine. 

Proposition de restitution de la tour.

Proposition de restitution de la tour.

 © Aurélien Bolo, Patrick Ferreira, Inrap

Cette opération, dont la post-fouille est encore en cours, va offrir l’opportunité de confronter les sources textuelles et figurées conservées avec les données de terrain. L’étude va également permettre de compléter un peu plus le corpus des données issues des nombreuses interventions menées ces dernières années en Corse sur les tours génoises. De plus, les informations issues de cette étude pourront être utilisées dans le projet de valorisation du site, qui vise à restaurer la tour de Caldanu, en réutilisant autant que possible les techniques de construction de la fin du XVIe siècle, apportant ainsi une véritable dimension scientifique et patrimoniale au projet.

Vue aérienne du fortin de Girolata avant les fouilles.

Lire :  Le fortin de Girolata, terrain d’expérimentation militaire au XVIe siècle 


 

Projet de restauration et de valorisation du site : Commune de Lumio
Contrôle scientifique : Service Régional de l’archéologie (Drac Corse)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Patrick Ferreira, Inrap