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Variations de la nappe phréatique d’Alsace et patrimoine bioarchéologique : le point de vue des géoarchéologues
Ce quatrième séminaire scientifique et technique s’est tenu à Sélestat en Alsace, à l'auditorium de la Bibliothèque Humaniste, les 28 et 28 novembre 2019. Il a été organisé par Carine Carpentier (Inrap), Rose-Marie Arbogast (CNRS), et Philippe Kuchler (Archéologie Alsace).
Nathalie Schneider (Inrap), Patrice Wuscher (Archéologie Alsace) et Éric Boës (Inrap)
L’Alsace occupe un fossé d’effondrement d’âge éocène rempli d’alluvions déposées par le Rhin et ses affluents au cours du Quaternaire. Les alluvions renferment la plus grande nappe phréatique d’Europe, 35 milliards de m³ d'eau, stockés dans la seule partie française. Subaffleurante dans une grande partie de la région, cette nappe est responsable de vastes zones humides, les rieds. Menacée, elle fait l’objet d’un suivi constant et régulier depuis plusieurs décennies. En effet, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, elle a connu des bouleversements de grande ampleur, en relation notamment avec la rectification du Rhin. Les chantiers archéologiques permettent aussi de compléter la connaissance des variations piézométriques au cours de l’Holocène et de recueillir des données environnementales à grande échelle.
Ce contexte rhénan est particulièrement propice à la conservation de restes organiques. Les bois et les macro-restes végétaux compris dans les alluvions pléistocènes et holocènes en sont les preuves, régulièrement récoltés et analysés dans les gravières. Des fouilles ont permis de mettre au jour des aménagements opportunément préservés dans ces milieux : liés à la circulation terrestre (voie) ou fluviales (berges, les pontons, barque…). Des traces d’artisanat liées aux cours d’eau ont également été préservées (pêcherie, fosses de rouissage…). Les puits, ainsi que les structures profondes (silos) dont la base est baignée dans la nappe constituent un autre gisement précieux pour la conservation des matériaux organiques. Le repérage du niveau d’apparition de ces artefacts permet de restituer les variations phréatiques au cours de l’Holocène.
Ces forts potentiels pour des études paléoenvironnementales ont conduit au développement d’approches géomorphologique et hydrogéologique permettant de mieux définir les modalités de ces variations. Celles-ci ont à la fois mis en évidence des potentiels de gisements très nombreux et des réflexions possibles sur toute la durée de l’Holocène. Cette démarche, mise en lien avec une forte densité des populations humaines dès le Néolithique dans cette partie de la vallée du Rhin, conduit à des réflexions pluridisciplinaires très riches à partir de ces marqueurs bioarchéologiques.
Mots clés : géomorphologie, fossé rhénan, nappe phréatique, taphonomie