Severinus... Ce nom inscrit sur un simple fragment de poterie du début de notre ère a permis aux archéologues d'identifier l'un des artisans qui travaillaient à l'atelier de potiers gallo-romain de Rainvillers (Oise).

Dernière modification
10 mai 2016

La fouille préventive de ce site a été réalisée en 2005, en amont des travaux d'aménagement de la route nationale 31, après qu'une série de diagnostics archéologiques aient permis d'identifier une douzaine d'indices de sites sur le tracé du projet routier.
 
Depuis les temps les plus reculés, l'argile et la production de céramiques ont largement contribué à faire la renommée du Pays de Bray. Les innombrables poteries d'époque romaine déjà découvertes dans le Beauvaisis attestent une production très importante, cependant aucun atelier de potier de cette période n'avait encore pu être fouillé, à l'exception de celui d'Aux Marais dans les années 1960. Ce dernier, et plus récemment celui de Rainvillers, apportent ainsi des données essentielles sur l'implantation et le développement des ateliers de potiers dans la région de Beauvais au cours de la période romaine.

La terre cuite des Romains

L'artisanat de la terre cuite est extrêmement important dans l'Antiquité, dans la mesure où il fournit l'essentiel des récipients : ceux utilisés pour le transport ou pour le stockage des denrées (comme les amphores), la vaisselle de cuisine et de table ; sans oublier les briques et les tuiles destinées à la construction des bâtiments.

La conquête de la Gaule par les Romains entraîne une adaptation de la culture gauloise à celle des conquérants. Cette acculturation est évidente lorsque l'on examine la vaisselle. Des formes nouvelles, tout d'abord importées d'Italie, sont rapidement copiées par les Gallo-Romains puis se généralisent : coupes, plats, gobelets, casseroles, marmites, mortiers, cruches, amphores. La diversification des productions est surtout visible aux IIe et IIIe siècles, les éléments gaulois et romains étant alors parfaitement synthétisés.

La diversité des formes de poteries révèle une utilisation adaptée de chaque récipient et l'adoption de pratiques alimentaires nouvelles, avec notamment l'introduction d'ingrédients méditerranéens qui nécessitent des modes de préparation différents, à l'exemple des mortiers traduisant un nouvel attrait pour les aliments pilés et les plats savamment épicés.

Les céramiques de Rainvillers

Les céramiques fabriquées à Rainvillers représentent la quasi totalité du vaisselier en usage à l'époque romaine : vaisselle de table (gobelets, bols), vaisselle à feu (plats, casseroles, marmites, bouilloires), vaisselle dévolue au stockage des aliments (amphores, cruches, dolia) ou encore à leur préparation (mortiers). La fouille permet d'esquisser une première image des poteries typiques du Beauvaisis au début du Bas-Empire (IIIe siècle). Les éléments chronologiques, livrés par la numismatique, l'archéomagnétisme et la céramologie, convergent pour dater une partie de la production vers 275 après J.-C. 
 
Le succès des céramiques du Beauvaisis dans le Nord de la Gaule est certainement dû à la qualité de l'argile et à la dextérité des potiers à fabriquer d'excellentes céramiques à feu, résistantes aux chocs thermiques. Des recherches récentes ont montré que leur diffusion pouvait s'étendre jusqu'à 80 km du lieu de production (Étaples dans le Pas-de-Calais, Beuvraignes dans la Somme, Beaumont-sur-Oise dans le Val-d'Oise), voire bien au-delà comme l'atteste la découverte d'une marmite sur l'île de Guernesey.

La céramologie, l'étude des céramiques

Science complémentaire à l'archéologie, la céramologie permet de déterminer la datation des céramiques, principalement en les comparant avec les types et les formes déjà référencés et datés. Son étude porte à la fois sur les techniques de fabrication (façonnage, traitement des surfaces, cuisson), les formes (typologie), les pâtes (analyses microscopique, pétrographique et chimique) et les motifs décoratifs, qui peuvent être estampés, incisés, gravés, appliqués, peints ou moulés.

Par ailleurs, à travers l'analyse des matériaux utilisés pour constituer la pâte comme l'argile et le dégraissant, la céramologie contribue à définir l'origine géographique des poteries et l'étendue des aires culturelles. Elle participe ainsi à la connaissance des réseaux commerciaux à une période donnée. Dans certains cas, elle permet également de caractériser l'origine ethnique des occupants des sites archéologiques, ainsi que le statut et la fonction de ces derniers. Par exemple, une fosse contenant exclusivement des restes d'amphores pourra être interprétée comme une structure de stockage de denrées.